Jane Hudson, modeste secrétaire américaine toujours célibataire à 40 ans, passe pour la première fois ses vacances à Venise… Juste avant d’entamer son cycle fou de grandes productions (Laurence d’Arabie, Le Pont de la rivière Kwaï), David Lean livre un film plus intime et d’un charme infini. Katharine Hepburn, 48 ans, n’a jamais été aussi touchante…
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Katharine Hepburn trouve l’amour à Venise En 1955, Katharine Hepburn n’a encore reçu qu’un seul des quatre Oscar qui feront d’elle la recordwoman du genre. Elle approche de la cinquantaine et, si elle ne joue plus les jeunes premières, elle incarne encore les amoureuses avec classe, comme le montreSummertime du britannique David Lean. Lean s’était rendu célèbre avec un magnifique film d’amour, Brève rencontre, sorti en 1945, mais n’était pas encore entré dans son cycle de grandes productions Hollywoodiennes comme Le pont de la Rivière Kwaï ouLawrence d’Arabie. Pour Summertime, il bénéficie du soutien des américains d’United Artists, ainsi que du grand producteur (et réalisateur) Anglo-Hongrois Alexandre Korda. Korda soutient sa demande de tourner entièrement à Venise ce film tiré d’une pièce de théatre, et d’en faire un grand poème en Technicolor à la gloire de la Cité des Doges.Summertime raconte le voyage d’une américaine célibataire en qui la beauté des lieux réveille la sensualité, mais qui ressent de ce fait sa solitude avec une violence exacerbée. Ce film se moque allègrement des touristes lourdingues qui visitent le pont du Rialto ou la Place St Marc sans les regarder vraiment. Katharine Hepburn interprète avec finesse une femme a mi-chemin entre ces voyageurs trop pressés et une personne authentiquement délicate qui prend le temps de comprendre l’âme des lieux qu’elle visite. Cette ambiguité est illustrée par la scène qui marque le tournant du film : elle repère un magnifique gobelet ancien dans la vitrine d’un magasin d’antiquités. L’antiquaire explique que cet objet est notamment remarquable par sa couleur, et elle acquiesce. Mais l’homme lui fait alors remarquer qu’elle apprécierait encore plus cette couleur si elle ôtait ses lunettes de soleil… Elle obtempère et semble alors foudroyée par cet homme avec qui elle va enfin trouver l’amour qu’elle était inconsciemment venue chercher à Venise. Car l’antiquaire aux yeux de velours n’est autre que Rossano Brazzi, qui avait été l’année précédente l’époux (et le meurtrier) d’Ava Gardner dans La comtesse aux pieds nus… Ce scénario légèrement osé fit grincer quelques dents à la municipalité de Venise, et Lean craignit un temps de ne pas être autorisé à filmer dans les lieux publics. Tout s’arrangea contre la promesse que les figurants seraient habillés avec décence, un don pour la restauration de la Basilique Saint Marc et le recrutement, pour les besoins de la production, d’un vaste contingent d’authentiques gondoliers… Par Antoine Sire (Paris Fait Son Cinéma)