A Un Endroit Du Début 3

À un endroit du début

17-18

danse

MA 23 JAN 20:00

ME 24 JAN 19:00

théâtre charles dullin

À 72 ans, l’icône de la danse africaine, Germaine Acogny, se raconte sous le regard du metteur en scène Mikaël Serre. Dans ce solo, la danseuse et chorégraphe internationale remonte à ses origines, à ses identités multiples, elle retourne à un endroit du début, là où tout a commencé, auprès de ses ancêtres. Entre un père fonctionnaire colonial et une grand-mère prêtresse vaudou, son héritage est complexe et singulier. Celle qui a collaboré avec Béjart et qui a créé l’Ecole des Sables au Sénégal, trace, par la danse, les textes et la vidéo, son portrait mais pose également des problématiques liées à l’Afrique et aux frottements entre tradition et émancipation. Pour Mikaël Serre et Germaine Acogny, l’identité n’est pas une finalité, mais un chemin.[films_malraux title= »les mots de germaine acogny »]Je me souviens de ces mots de Germaine Acogny, lors de notre première rencontre : « Ma vie a souvent été un mouvement, je suis de quelque part et quand je m’en éloigne, je n’échappe pas à mon histoire, c’est que je suis revenu, en moi peut être, à un endroit du début, à l’endroit d’où je viens, aux ancêtres, à ceux qui m’accompagnent.» Ces mots sont un mouvement en soi, qui explorent des forces contraires. C’est une force qui tire vers le haut, un geste qui subit autant la contrainte que la force du destin. Germaine Acogny m’a raconté son histoire, celle d’une famille et de ses conflits, celle de son pays d’accueil le Sénégal, de ces moments « d’exil » en Europe et de retour sur ses terres. Son désir, qu’elle m’avait communiqué avant notre rencontre, de se confronter à la tragédie grecque pour sa prochaine création m’est alors apparu profondément juste. J’ai écouté, comme je lis un texte dramatique, ses moments d’extase, de doutes, de traversée du désert. Lors de notre rencontre j’ai entendu Shango dieu de la foudre du tonnerre et de la guerre. Je me suis interrogé sur ce désir de mêler les grandes figures et problématiques de la tragédie grecque à l’histoire de l’Afrique, et j’ai pris cette proposition comme un besoin de confrontation entre soi et le monde. Tu sais où tu es né, mais non où tu mourras ! Lors de nos échanges, Germaine m’a beaucoup parlé de sa grande mère Aloopho, prêtresse du Dahomey, la mère du sacré, du puissant ! À la lecture des récits d’Aloopho, j’ai tout de suite fait le rapprochement entre ces paroles tragiques, archaïques et prophétiques, et la souffrance qui imprègnent les grandes figures de femmes de la tragédie grecque. Médée, son histoire, celle de chaque spectateur qui se construit encore, qui se cherchent, c’est la tragédie de la vérité. C’est une reconnaissance de soi finalement, une solitude face au monde. DU TRAGIQUE … Pour remonter le cours de ce fleuve à contre-courant, je ne peux m’empêcher de penser à cette phrase de Tiviglititi, le sage, un des nombreux récits de la grand-mère de Germaine : – Dans ce village, ne devenaient rois que des êtres extraordinaires, des hommes qui n’y sont pas nés, mais qui ont prouvé leur sagesse ailleurs ! Quelle ouverture face à cette crise des identités que traverse l’Europe en ce moment ! Ne pourrions-nous pas dire comme j’ai lu dernièrement sur une simple feuille accrochée au mur du Maxim Gorki Theater que les identités sont des moyens de transport et pas une finalité? En témoigne aussi le livre qu’a écrit Togoun Servais Acogny, le père de Germaine, et qu’elle m’a confié pour mes recherches qui est un témoignage poignant et violent d’un homme à qui on a dès l’enfance proposé de renier son histoire pour se « civiliser » au contact du blanc. Il y avait de grands couteaux en cuivre à la maison, je m’en souviens, ils étaient là, présents dans mon enfance, et ils avaient disparu. Un jour alors que mon père était âgé et malade et que je lui aie rendu visite à Paris j’ai revu ces couteaux, ceux de mon enfance … Si un sursaut est encore possible, il passe par une lutte de l’esprit contre lui-même. Germaine incarne ce que nous sommes presque tous devenus, des humains en transit, des exilés, des convertis et reconvertis, des gens qui se perdent et se retrouvent, où finalement l’identité n’est pas une finalité, mais bien un chemin. Combien d’Européens ne s’adaptent pas, ou ne veulent pas, ne peuvent plus s’adapter à ce continent ? Donner à voir comment nous sommes devenus ce que nous sommes, et qui nous voulons être à l’avenir. Faire dialoguer l’occident et l’Afrique, c’est trouver ce noeud de corps et de sable face à la fable du monde moderne. Les répétitions ont commencé à Toubab Dialaw au Sénégal. Pour moi ça a été une première rencontre aussi avec un pays, un continent, et à travers Germaine Acogny une histoire que je ne connaissais pas et que j’ai choisi de raconter par l’intime, le seul endroit peut être à pouvoir contrer les idéologies de tout bord qui continuent leurs amalgames simplificateurs. Je ne pouvais pas parler de l’Afrique du point de vue de l’expert, ou du militant, mais seulement en partant de l’impulsion des imaginaires et des caprices de la réminiscence qui se confrontent sur la place du théâtre et de la danse. Cette violence et à la fois cette douceur que j’ai ressentie lors des répétitions et mon questionnement sur ma légitimité de prendre en charge l’histoire personnelle de Germaine qui comprend un manque, une trahison, en échos à la grande histoire, a été un voyage dans le jeu du souvenir et de l’oubli. La mémoire familiale se rappelant à nous en image, en odeur, en sensation, en son, il a été essentiel de travailler en étroite collaboration avec le vidéaste Sébastien Dupouey, l’éclairagiste Sébastien Michaud et le musicien Fabrice Bouillon « LaForest » qui ont oeuvré à travers leur art pour faire dialoguer le passé dans le présent. On parle évidement de blessures sur scène, mais aussi comment nous, artistes, pouvons d’une certaine manière apporter à notre façon toute particulière, un regard et pourquoi pas aussi un apaisement sans pour autant effacer le passé. Proposer une matérialité à cette histoire c’est aussi défier l’oublie sans amertume, accepter même de pouvoir faire le deuil de nos mythes structurants, recyclés ou encore vivants. Mikaël Serre, mai 2015

conception et mise en scène Mikaël Serre chorégraphie Germaine Acogny assistant chorégraphie Patrick Acogny scénographie Maciej Fiszer costumes Johanna Diakhate-Rittmeyer musique composée et interprétée par Fabrice Bouillon LaForest vidéo Sébastien Dupouey lumières Sébastien Michaud direction technique Marco Wehrspann textes Togoun Servais Acogny, Les récits d’Aloopho par Togoun Servais Acogny, Germaine Acogny, Médée de Euripide adaptation Mikaël Serre production JANT-BI, Sénégal coproduction Les Théâtres de la Ville du Luxembourg, Théâtre de la Ville, Paris, Institut Français, Paris résidence et coproduction La Ferme du Buisson, scène nationale de Marne-la-Vallée résidence Le Centquatre, Paris