Di Grazia

Di Grazia prolonge les recherches sur la transe et les états modifiés de conscience tout en y mêlant les passions imaginaires «d’une Italie à corps ouvert».

Avec l’actrice, chanteuse et musicienne d’origine calabraise Roberta Lidia De Stefano, Di Grazia souhaite panser une blessure traumatique de l’Histoire celle née des viols de masse pratiqués dans la région de la Ciociarra par les forces militaires françaises venues en 1944 libérer l’Italie de l’occupation nazie. Alexandre Roccoli a réuni autour de Roberta Lidia De Stefano, sa fidèle équipe Séverine Rième, scénographe lumière et Benoist Bouvot musicien compositeur. Di grazia, à la manière d’une autopsie, tente de rouvrir ces blessures à travers des chants anciens scandés, avalés, criés dans différents dialectes de l’Italie du sud, nous menant du monde antique à un monde futur, dissocié. La lente catharsis propre au théâtre peut s’opérer en circulant dans ce théâtre anatomique des passions. Film MAMA SCHIAVONA Le culte de la Madonna di Montevergine a des origines perdues dans le temps. Une partie de ce culte comprend l’ascension vers la montagne – autrefois appelée « Monte di Cibele », « Monte di Virgilio » puis, à partir du XIIe siècle, « Montevergine » – pour atteindre le sanctuaire où se trouvait autrefois un temple dédié à Cybèle, déesse d’Asie Mineure. Dans les cérémonies tenues en son honneur, ses prêtres se déguisaient en vêtements de femme et s’émasculaient rituellement les uns les autres pour s’unir à son essence divine, jouant de la batterie et chantant dans une sorte d’extase orgiaque. Cybèle n’est pas seulement la déesse étrangère, qui incarne l’altérité de l’ailleurs, mais est aussi le symbole de la duplicité et de l’indéfini: son nom signifie montagne, indiquant la suspension entre le féminin de la terre et le masculin du ciel. C’est dans ce même lieu que se célèbre aujourd’hui le culte de la Madone de Montevergine, alias Mamma Schiavona, la Madone à la peau sombre à laquelle sont consacrées «historiquement» les femminielli napolitaines. Le culte de Mamma Schiavona est le signe d’un lointain qui est proche, de ce qui traverse l’espace et le temps. C’est la substance qui reste lorsque la forme se transforme et prend de nouveaux contours. C’est un signe de foi au sens profond. La foi dans le passé, pour ce que le passé représente et protège, c’est la substance du temps, mais aussi la foi en l’avenir, en ce que personne ne sait. C’est de l’espoir, Mamma Schiavona. L’espoir qui nous unit, qui nous rend égaux, qui traverse les différences et les accueille dans une chanson. Un chant de joie, de mémoire, d’un temps hors du temps où l’on se rencontre et où l’on retrouve son espace et sa voix. Voix anciennes et nouvelles, voix lourdes et agiles, voix vibrantes et suspendues qui à l’unisson dépassent les frontières et qui dans le rythme sacré découvrent et redécouvrent un langage commun. Un langage de liberté, de vérité, un langage aux racines solides et donc toujours en mouvement, suspendu en anticipation de la rencontre avec l’autre. Elle est la mère de toutes les mères, la mère Schiavona, qui accorde tout, pardonne tout, accueille tout. Marò, pienzace vous. Marzia Mauriello