Idir
Musique du monde
VE 03 FÉV 20:30
Quelques notes de musique, un petit quelque chose de subtilement ensoleillé, mais aussi de mélan-colique et doux-amer… La voix qui vient ensuite est légèrement voilée, celle d’un homme qui a traver-sé la Méditerranée, transportant dans ses bagages le souffle chaud de son pays. Idir, de son vrai nom Hamid Cheriet, est né en Haute Kabylie. De lui, les plus anciens disent qu’il est un poète avant tout. Mais en lui surtout vibre la musique. Chanteur phare de l’Algérie militante, sa musique ouvre à l’universel depuis les années 70, depuis qu’une certaine chanson, A vava inouva (hymne aux neiges éternelles des montagnes kabyles), a fait le tour du monde. [films_malraux title= »biographie »]Lorsqu’on évoque le chanteur Idir, il n’est pas rare que les plus anciens vous reprennent pour préciser « Le poète ! ». Poète, il l’est en effet depuis ses jeunes années dans son village d’Aït Lahcène en Haute-Kabylie. A l’époque, alors que ses copains s’époumonent sur les tubes anglo-saxons, Hamid Cheriet (son vrai nom) gratte sa guitare sur des mélodies traditionnelles pour exprimer ses doutes, ses rêves d’adolescent précoce. « Je me souviens des vieux qui me demandaient des conseils parce que je disais des choses qui appartenaient à la sagesse populaire. Cela me gênait un peu. J’ai juste eu la chance d’être là au bon moment avec les mots et les chansons qu’il fallait ». Une reconnaissance que le sociologue Pierre Bourdieu explique ainsi : « Idir n’est pas un chanteur comme les autres. C’est un membre de chaque famille». Que l’on voie en lui le précurseur de la world ou le chantre de la musique berbère, ce « passeur » se situe au carrefour de toutes les influences qui ont bercé son enfance. Un pied dans le monde paysan de son père, ancré dans l’histoire de l’Algérie, l’autre à la lisière de ce show-biz qui l’effraie un peu. Car rien ne destinait cet homme discret à devenir une icône, une référence. Sa formation de géologue aurait pu l’amener à arpenter indéfiniment la planète à la recherche de gisements de pétrole. Mais, sa modestie naturelle dut-elle en souffrir, il a fait jaillir, avec ses chansons, quelque chose d’aussi précieux que l’or noir : la voix d’une minorité, la sienne, dont l’écho a largement franchi les frontières de sa Kabylie natale. Et, comme bon nombre de grandes découvertes, tout a commencé par l’un de ces hasards que nous réserve parfois le destin. En 1973, sur Radio-Alger, il remplace un artiste malade et interprète au pied-levé « Rsed Ay Ides ». Une berceuse qui éveille l’attention des auditeurs… et de sa maman. Cette dernière s’interroge sur ce garçon qu’elle a entendu sur les ondes, sans savoir qu’il s’agit de son fils ! Encore frileux devant cette attention nouvelle, Idir mettra quelques temps avant de se confesser… Il faudra pourtant attendre trois ans et son retour du service militaire pour qu’il enregistre un premier album baptisé « A Vava Inouva ». Le titre, qui donne son nom au disque, connaîtra un succès international. Le premier venu d’Afrique du Nord ! Il sera diffusé dans de nombreux pays et traduit en plusieurs langues. Viendront ensuite «Ay Arrac Negh », « Les chasseurs de lumières », le best of « Deux rives, un rêve », « Identités », le live « Entre scènes et terres », « La France des couleurs ». Des albums dans lesquels Idir reprend les thèmes qui lui sont chers : l’exil, l’identité, la lutte contre toutes les formes d’intégrisme, l’amour, l’espoir…Même si pour l’espoir, il confie avec un sourire un peu triste qu’il ne se berce pas d’illusions : « mais quoi qu’il arrive, je laisse toujours la petite lumière allumée, au bout du tunnel ». Lucide et authentique, Idir s’avoue incapable d’écrire sur des choses qu’il n’a pas vécues. « Cela ne m’attire pas. Je ne peux pas non plus prendre mon stylo sur commande. Je n’ai rien à vendre que mes disques, comme disait Brassens. Cela m’a peut-être donné de la distance, sans trop vendre mon âme ». Voilà pourquoi il a produit si peu en 35 ans de carrière ! Qu’importe, écouter l’un de ses albums, c’est un peu comme reprendre la conversation avec un ami de longue date. Qu’il dialogue avec son public, convie Manu Chao, Dan Ar Braz ou Zebda pour parler d’« Identités » ou encore la jeune génération comme Grand Corps Malade, Akhenaton, Oxmo Puccino afin de redessiner sa « France des Couleurs ». Une France où il a choisi de vivre, nouant ainsi de solides amitiés avec des artistes comme Francis Cabrel, Jean-Jacques Goldmann ou Maxime Le Forestier. On se souvient du beau duo qu’il a formé avec ce dernier pour « Tizi Ouzou », une version kabyle du fameux « San Francisco ». Il faut dire que les chansons de ce conteur ont une portée universelle. « Je pense souvent à cette situation étonnante : je chante devant des gens qui ne comprennent pas toujours mes mots mais qui se dérangent et payent pour m’écouter. L’humanité, elle est là. Je souhaite à tout le monde de recevoir autant d’amour ». Même s’il confie que tout cela est parfois lourd à assumer. « J’ai toujours peur de décevoir ». Mais que l’homme et l’artiste se rassurent, son nouvel album éponyme, est à la hauteur de l’attente. Pensez, le premier en solo depuis 1993 ! « Identités » et « La France des couleurs » étaient des concepts, avec celui-ci, je renoue avec mon public». Un public auquel il dédie ces onze chansons, enregistrées à la maison. Outre la guitare, ce musicien accompli assure également bon nombre de sessions sur les instruments traditionnels, omniprésents sur cet opus : t’bel, mandole, flûte à bec, banjo, bendir…Idir y confie ses angoisses de père et de petit garçon, offre une relecture inattendue de l’Hymne à la joie de Beethoven, loue la beauté de sa montagne et des chants de femmes… Et rend un hommage bouleversant à sa mère, disparue il y a quelques mois. Des textes sans doute moins politiques que par le passé, comme si Idir, apaisé, libéré de son statut d’artiste militant, baissait un peu la garde pour se laisser aller à ses émotions.
chant et guitare Idir Cheriet El Hamid, chant Tanina Cheriet, batterie Eric Duval, guitare Tarik Ait-Hamou, percussions Amar Mohali, flûtes Gérard Geoffroy, claviers Meddhy Ziouche, sonorisateur façade Jean-Luc Sitruk, sonorisateur retour Francis Dupont