Traviata - Vous méritez un avenir meilleur
théâtre lyrique à couper le souffle
ME 28 MARS 20:00
VE 30 MARS 20:00
DI 01 AVR 17:00
La talentueuse équipe de Benjamin Lazar, Florent Hubert et Judith Chemla composée de musiciens-acteurs-chanteurs revisite La Traviata, le plus célèbre des opéras. La musique de Verdi, le livret de Francesco Maria Piave inspiré de La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils, l’interprétation inoubliable de Maria Callas participent de sa légende. Dans un arrangement pour orchestre ambulant et une mise en scène qui rend ce drame lyrique au théâtre, la longue agonie amoureuse de l’héroïne de Verdi retrouve une saveur inattendue. Une variation en français et italien, parlé et chanté, transcendée avec passion par l’incandescente et divine soprano Judith Chemla. A couper le souffle.[films_malraux title= »note d’intention »]LE PARFUM DE LA DAME AUX CAMÉLIAS Un parfum entêtant et paradoxal de rêve et réalité flotte autour de La Traviata, comme si la vie et la mort de cette femme prétendument « dévoyée » avaient quelque chose de plus vrai que celles des autres héroïnes lyriques. Ce parfum composé d’essences de fleurs, d’alcool, de médicaments, de peaux caressées, d’argent prétendument inodore, Giuseppe Verdi a réussi à en imprégner profondément son tissu musical, alors qu’il s’évaporait à peine de l’histoire de la courtisane Marie Duplessis, morte en février 1847, en plein carnaval. Alphonsine Plessis, rebaptisée par elle-même Marie Duplessis, était devenue Dame aux Camélias et Marguerite Gautier dans le roman qu’un ancien amant, Alexandre Dumas fils, jouant sur l’ambiguïté entre témoignage et fiction, avait fait paraître avec grand succès en 1848. Verdi en vit l’adaptation théâtrale en 1852, lors d’un séjour parisien qui était aussi un séjour d’amoureux, et la Traviata fut créé à Venise en 1853, à la Fenice. Jugée trop scandaleuse, l’histoire avait été transposée au 18e siècle, provoquant la colère de Verdi qui tenait à l’ancrage contemporain de son oeuvre. Six ans seulement séparent donc l’apparition de Violetta Valéry de la mort de son inspiratrice et peut-être est-ce elle le véritable fantôme de l’opéra, insufflant à toutes ses interprètes ses palpitations amoureuses, son goût frénétique de la fête, sa respiration de plus en plus difficile mais aussi la force avec laquelle elle s’est forgée un destin au sein d’une société impitoyable à l’égard de toute « sortie de route » – empruntant à chaque fois une enveloppe corporelle différente pour interroger encore et toujours ce qui lui est arrivé, comme les esprits qui reviennent jusqu’à ce que justice leur soit rendue. Autour de ce personnage dont la brièveté et l’intensité de la vie se fait l’écho condensé à l’extrême de notre propre destinée, nous voulons mener une sorte d’enquête, qui se portera autant sur l’imaginaire des années 1840 que sur les individualités composant notre troupe d’instrumentistes, acteurs et chanteurs. On convoquera le Paris spleenétique de Baudelaire, le club des haschichins que fréquentait Théophile Gautier, le sens des poses de Gavarni et Daumier, mais aussi l’écrivain Christophe Tarkos, des images et des paroles d’aujourd’hui, jouant sur la frontière entre les époques, faisant de l’anachronisme une méthode de convocation des esprits. EFFECTIF ET MÉTHODE : LES CONVIVES DE LA FÊTE Nous irons explorer tout d’abord l’art de Verdi, comment la simplicité saisissante des thèmes, leur répétition et leur entrelacement, les couleurs qu’ils prennent au fur et à mesure que le drame avance, font surgir un monde à la fois passé et présent, et donnent l’impression de sentir battre le pouls de tous les personnages jusqu’aux saisissants derniers accords. Notre dispositif de répétition et d’écriture (cinq sessions de répétitions réparties sur plus d’un an et demi) nous permet de retravailler la dramaturgie musicale en même temps que s’écrit la trame du spectacle, que ce soit par arrangements, réécriture, coupes ou ajouts. Cette façon de travailler laisse le temps d’un vrai travail d’écriture à la table, mais aussi de réagir pendant le travail au plateau, d’intégrer le fruit d’improvisations des chanteurs et des musiciens. L’effectif, testé dès janvier 2015, est de cinq chanteurs et huit instrumentistes, à savoir une violoncelliste, un flûtiste, un contrebassiste, un accordéoniste, un tromboniste, un corniste, une clarinettiste et une violoniste. Avec cette formation flexible, nous voulons retrouver par d’autres voies toute la fougue lyrique de Verdi et son sens des contrastes. On pourra pousser à sa limite le minimalisme de certains accompagnements comme lorsque Verdi confie à une boucle musicale très simple le soin de maintenir la tension dramatique, ou lorsqu’il laisse le chanteur a cappella comme un acrobate qui sauterait d’un rocher à l’autre au-dessus du vide. Le son pourra être aussi généreux et puissant dans tous les moments où la voix lyrique a besoin d’être soutenue pour aller au-delà d’elle-même. Cette formation fait aussi ressortir les sources populaires de Verdi, l’influence initiale qu’il avait reçue en découvrant la musique par les orchestres de passage qui faisaient halte à l’auberge familiale du village des Roncole, en Italie du Nord. Les musiciens joueront par coeur, ils seront mobiles, mêlés aux chanteurs, formant une seule communauté, dialoguant avec eux, participant à la même fête, chantant ensemble les choeurs, jouant même des rôles à part entière et ayant, comme les chanteurs, la possibilité d’être en contact direct avec les spectateurs, pour les inclure dans l’étrange frénésie festive qui ouvre l’opéra. PAROLE, MUSIQUE, SEMPRE LIBERA Nos recherches se tourneront aussi vers les inspirations de Verdi et de son librettiste Francesco Maria Piave. De même que la musique renouera avec ses sources populaires, l’histoire retournera au théâtre dont elle est issue. On retrouvera donc des extraits revisités de la pièce La Dame aux Camélias de 1852 et du roman de 1848. L’intérêt du roman réside notamment dans le jeu d’enchâssement de la narration : Alexandre Dumas nous rapporte les propos d’Armand Duval, rapportant lui-même parfois les propos de Marguerite Gautier. En apparaissant dans ce jeu de miroirs, le reflet de la dame aux camélias gagne en mystère – ou en épouvante, comme dans la scène où l’on déterre son corps pour l’inhumer dans une autre sépulture. On voit aussi Marguerite Gautier jouer du piano, chanter des chansons érotiques, revendiquer une liberté qui, bien que formulée par un homme écrivain prenant ses distances avec une vie jugée trop scandaleuse, se lit au travers même des bons sentiments sacrificiels censés atténuer la puissance de cette « dame » pour lesquels les fleurs sont, comme le dit Octave Mirbeau, des « amies fidèles et violentes ». Cela donne envie de voir et d’entendre une Violetta libre de jouer de la forme même de l’opéra, de s’en détacher, de s’en amuser avec ironie. Nous voulons fuir l’image complaisante d’un personnage que le public regarderait mourir comme on regarde une fleur se faner inexorablement dans son vase doré, ou un oiseau perdre ses plumes, sans que la fleur ou l’oiseau aient conscience d’être ainsi l’objet des regards avides de compassion. De cet entrelacement du roman et de l’opéra on tirera aussi un libre jeu de passage entre le parlé et le chanté, ainsi qu’entre le français et l’italien sur-titré, avec pour seule règle celle que se donne Violetta dans son air célèbre : sempre libera – Toujours libre. S’emparer du plus célèbre des opéras et le remettre au théâtre d’où il est venu, c’est l’occasion d’aller mettre en jeu à chaque moment la nécessité pour les acteurs de se mettre à chanter pour dire plus, pour dire autrement, pour dire, comme le cherchait Mallarmé, autre chose. RENDRE LA MUSIQUE ET LES ÊTRES VISIBLES Victor Hugo, se promenant en 1842 à Paris, entre sur le terrain vague laissé par un théâtre brûlé 2 ans auparavant. Au milieu des pierres, il trouve une marguerite qui lui « ouvre un abîme de rêverie » : « Pour tous ceux qui vivement de la foule appelée ici tous les soirs, quel spectre que cette fleur si elle leur était apparue il y a deux ans » (in Choses vues). Notre scène de théâtre évoquera une serre : terre, branches, bacs de culture, d’un lieu qu’on dirait abandonné, que les soins des instrumentistes-acteurs font revivre de façon éphémère, en y apportant des plantes lors de la scène à la campagne. Un grand voile horticole crée des effets de tulle, d’ectoplasmes, de nuages, donne aux images l’aspect nébuleux des souvenirs – et évoque également, en remplissant l’espace, l’emplissage maladif et mortel des poumons de Violetta. L’espace à l’opéra propose traditionnellement une division très marquée entre la musique instrumentale d’une part, et le chant d’autre part : en bas, dans la fosse, les instrumentistes accompagnent ; en haut sur scène, l’action se déroule, racontée par les solistes et le choeur. Les instrumentistes en tant que personnes physiques sont absents par convention de l’action, et l’espace de la fosse n’a pas de lien avec l’action scénique. Les relations pensées par le compositeur entre la musique instrumentale et l’action ne sont perceptibles que par l’écoute. Dans Traviata – Vous méritez un avenir meilleur, la division scène/fosse est abolie : les chanteurs et les instrumentistes se partagent le même espace, rendant visibles les interactions entre la musique et l’action. Ces interactions sont très nombreuses chez Verdi. Par exemple, dans le premier acte, quand Violetta a un malaise, ses invités vont danser dans l’autre pièce et l’on entend alors une musique de danse venir de la fosse. Dans notre version, les instrumentistes étant eux-mêmes les convives de la fête, ils seront à la fois les danseurs et les musiciens du bal, visibles en arrière scène, pendant qu’Alfredo reste au premier plan pour déclarer son amour, accompagné en partie au piano par Violetta elle-même. Cet espace commun aux chanteurs et aux instrumentistes permettra aussi de rendre visible les jeux d’échos entre les lignes mélodiques des chanteurs et celles des instrumentistes. L’espace permet donc que ce que l’on voit permette d’écouter mieux et plus finement la musique. C’est aussi une façon donner une dimension documentaire sur une troupe s’emparant d’une oeuvre de 160 ans et faisant corps et coeur avec elle. Benjamin Lazar
d’après La Traviata de Giuseppe Verdi conception Benjamin Lazar, Florent Hubert, Judith Chemla mise en scène Benjamin Lazar arrangements et direction musicale Florent Hubert, Paul Escobar chef de chant Alphonse Cemin scénographie Adeline Caron costumes Julia Brochier lumières Maël Iger maquillages et coiffures Mathilde Benmoussa assistante à la mise en scène Juliette Séjourné assistants à la scénographie Nicolas Brias, Fanny Commaret avec le médecin Florent Baffi, Alfredo Germont Damien Bigourdan, Giorgio Germont Jérôme Billy, flûte Renaud Charles, Flora Bervoix et Anina Elise Chauvin, Violetta Valéry Judith Chemla, clarinette Axelle Ciofolo de Peretti violoncelle Myrtille Hetzel contrebasse Bruno Le Bris accordéon Gabriel Levasseur trombone Sébastien Llado cor/le baron Douphol Benjamin Locher violon Marie Salvat production C.I.C.T. – Théâtre des Bouffes du Nord coproduction Théâtre de Caen, Espace Jean Legendre, Théâtre de Compiègne – Scène nationale de l’Oise en préfiguration, Le Parvis – scène nationale de Tarbes-Pyrénées, le Théâtre – Scène nationale Mâcon-Val de Saône, TANDEM – Scène nationale, Théâtre Forum Meyrin/Genève, Le Moulin du Roc – Scène nationale de Niort, Théâtre de l’Incrédule, Cercle des partenaires des Bouffes du Nord action financée par la Région Ile-de-France avec le soutien de la SPEDIDAM et l’aide d’Arcadi Île-de-France avec la participation artistique du Jeune théâtre national construction des décors Ateliers du Moulin du Roc – Scène Nationale de Niort Le Théâtre de l’Incrédule est soutenu par la Région Normandie