Pendant le confinement, le paysage sonore a changé brutalement, tout le monde en a parlé. En ville, les oiseaux n’avaient plus à s’époumoner, on les réentendait enfin. Et c’était comme un rebranchement soudain, éblouissant, dissident, à un monde dont nous crevons d’être déliés. Pourtant ils continuaient à s’éteindre, les pathologies se multipliaient à la frontière hommes-bêtes, on ne connaissait toujours pas leurs noms, mais on se disait qu’on les entendait davantage, et on se cramponnait à leur chants pour se faire croire que la pandémie avait au moins quelque chose de bon pour la planète. Peine perdue. Que faire en vérité d’une douceur éprouvée si fort, dans un moment de saccage social, et quand plus personne n’avait le droit d’accompagner ses morts ? Il faut beaucoup de tact pour observer le silence…
Marielle Macé est chercheuse (CNRS-EHESS) et écrivain. Ses livres prennent la littérature pour alliée dans une réflexion critique sur les formes de la vie commune — sur ce qui nous divise, nous anime, sur ce à quoi l’on tient. Parmi ses publications récentes : Styles. Critique de nos formes de vie (Gallimard, 2016), Sidérer, considérer. Migrants en France 2017 (Verdier, 2017), et Nos Cabanes (Verdier, 2019).