Dans les îles Lipari, un homme accompagné d’une amie cherche sa femme qui a disparu. Ils ne tardent pas à devenir amants… La narration moderne et révolutionnaire d’Antonioni (Zabriskie Point) fit scandale à Cannes en 1960. Monica Vitti, muse sublime et délicate du cinéaste nous guide au cœur des méandres des passions humaines.
FIlm en lien avec l’exposition De l’usage de l’autre de Pierre David au Musée des Beaux-Arts 5€ pour les adhérents du Musée des Beaux-Arts
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Quand Antonioni inventait un nouveau langage cinématographique. Quel tollé à Cannes ! Une bronca du public dont on se souviendra longtemps. C’est qu’Antonioni a cassé tous les codes. De ce scénario, un autre plus convenu que lui aurait fait un thriller psychologique. Mais le réalisateur italien se fiche totalement du mystère de la disparition d’Anna. C’est autre chose qu’il cherche à montrer. Il laisse donc se diluer l’histoire qui n’était qu’un prétexte scénaristique pour personnifier l’absence – et qui lui a permis de tourner dans les magnifiques paysages désertiques des îles Eoliennes. Il se centre totalement sur ses personnages. Posant son œil sur eux, les fouillant, il surprend encore plus en ne cherchant en aucune manière à expliquer leurs comportements. Ce qu’il nous donne à voir et à ressentir, c’est l’invisible. Ce que l’on a nommé à l’époque d’un mot qui hélas colle à la peau d’Antonioni : “l’incommunicabilité”. Pas vraiment faux, mais qui restreint considérablement son propos. Disons, pour être plus exact, qu’il cherche à surprendre les minuscules dérapages intimes, les entre-deux, les glissements, les failles et les flottements. Déroutant, bien sûr, pour le spectateur d’être confronté à ces instants fugaces que l’on pense par essence impossibles à capturer. Mais la vie est faite de cela, bien loin des clichés auxquels nous a habitués le cinéma. A y bien regarder, ne peut-on pas dire qu’Antonioni, en innovant de la sorte, a inventé une nouvelle forme de réalisme ?
Sans se démonter par l’accueil si violemment hostile du public, le jury de Cannes donnera sa chance à ce film en le couronnant d’un prix spécial pour la beauté de ses images et sa recherche d’un nouveau langage cinématographique. Il fera une carrière internationale exemplaire et il est toujours cité dans les meilleurs films de tous les temps, derrière l’indétrônable Citizen Kane. Quarante-quatre ans après sa première projection et des dizaines de savants commentaires (Deleuze, Lacan, etc.), L’avventura reste déstabilisant pour certains, frustrant pour d’autres. Il s’agit en tout cas d’une œuvre singulière et ouverte à un vaste champ d’interprétations, une véritable expérience cinématographique illuminée par la présence de Monica Vitti irradiant de sensualité. Antonioni avait trouvé sa muse. Dans la foulée, il tournera avec elle La nuit et L’éclipse qui composeront avec L’avventura ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui sa trilogie. Celle d’un désert moral, fait d’égoïsme et de manque de sincérité, dans lequel la poursuite du bonheur ne peut-être que totalement vaine. avoir-alire.com