Pouvoir circuler librement à travers le monde. Ce droit, inscrit dans l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, existe-t-il dans les faits ? Sur cette question, la jongleuse et danseuse contemporaine Phia Ménard se la joue « poil à gratter ». Iconoclaste, l’artiste nous a habitués à des scénographies impressionnantes, protéiformes. Pour illustrer le difficile voyage des migrants, elle ne déroge pas à la règle. Sur scène, la voilà qui se débat face à une immense statue dont seuls les pieds et la base sont visibles. Elle s’attaque à cette frontière, sans douter. Dans un unique but : atteindre le rêve de l’affranchi.
“Contre les murs et les fils barbelés de l’Europe forteresse, Phia Ménard brandit l’arme de l’imaginaire et le pouvoir de la fable.”
(journal La Terrasse)
idée Originale, mise en scène, écriture et scénographie Phia Ménard assistante à la mise en scène Clarisse Delile interprétation et chorégraphie Marion Blondeau dramaturgie Camille Louis scénographie Phia Ménard, Clarisse Delile et Éric Soyer création sonore Ivan Roussel création costumes Fabrice Ilia Leroy assisté de Yolène Guais création lumière Eric Soyer assisté de Gwendal Malard réalisation scénographie Rodolphe Thibaud, Ludovic Losquin, David Leblanc, Nicolas Marchand régie plateau David Leblanc, Nicolas Marchand stagiaires Ayoub Kallouchi (mise en scène), Vanessa Schonwald (scénographie) régie générale Olivier Gicquiaud régie lumière Aliénor Lebert co-directrice, administratrice et chargée de diffusion Claire Massonnet assistante d’administration et de production Constance Winckler chargée de communication et de production Justine Lasserrade
Production : Compagnie Non Nova – Phia Ménard coproduction Biennale de la danse de Lyon 2023 / TANDEM, Scène nationale, Hippodrome de Douai / Le TNB, Centre Européen Théâtral et Chorégraphique de Rennes / Les Quinconces–L’Espal, Scène nationale du Mans / Malraux Scène nationale Chambéry–Savoie / Les 2 Scènes scène nationale de Besançon / La Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale / Le Volcan, Scène Nationale du Havre / Les Halles de Schaerbeek – Bruxelles / La Comédie de Valence, CND Drôme-Ardèche / le Lieu Unique, centre de cultures contemporaines de Nantes / DE SINGEL, Centre Artistique International – Antwerpen / MC93 – maison de la culture de Seine-Saint-Denis à Bobigny / Le Centre chorégraphique national d’Orléans, autres coproductions en cours
La Compagnie Non Nova – Phia Ménard est conventionnée et soutenue par l’État – Préfet de la région des Pays de la Loire – direction régionale des affaires culturelles, la Ville de Nantes, le Conseil Régional des Pays de la Loire et le Conseil Départemental de Loire-Atlantique. Elle reçoit le soutien de l’Institut Français.
La Compagnie Non Nova – Phia Ménard est artiste associée au TNB, Centre Européen Théâtral et Chorégraphique de Rennes, à la Maison de la danse et à la Biennale de la danse de Lyon, à la scène nationale de l’Essonne. Elle est associée à la Comédie de Valence centre dramatique national Drôme-Ardèche pour la saison 2023/2024 et est artiste repère de la Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale.
Phia Ménard
Née en 1971
C’est en découvrant le spectacle “Extraballe” de Jérôme Thomas en 1991 que naît chez Phia Ménard le désir de se former aux arts et en particulier à la jonglerie. Elle suit des formations en danse contemporaine, en mime et en jeu d’acteur. Elle étudie auprès du maître de jonglerie Jérôme Thomas, puis intègre sa compagnie comme interprète de plusieurs créations jusqu’en 2003. Parallèlement en 1997, elle suit les enseignements de « la pratique du danseur » et interprète deux pièces courtes des chorégraphes Hervé Diasnas et Valérie Lamielle.
Elle fonde la Compagnie Non Nova en 1998 et crée « Le Grain ». C’est avec le solo « Ascenseur, fantasmagorie pour élever les gens et les fardeaux », créé en 2001, qu’elle se fera connaître comme autrice. Soutenue pour sa démarche singulière, elle est invitée comme « artiste associée » pour trois saisons à la scène nationale Le Carré à Château-Gontier. Elle y développe avec son équipe et celle de la scène nationale, un travail scénique où l’image spectaculaire de la jonglerie est remise en cause au bénéfice d’une nouvelle relation avec le public. Naissent ainsi plusieurs créations et évènements : « Zapptime, rêve éveillé d’un zappeur », la conférence spectacle « Jongleur pas confondre » avec le sociologue Jean-Michel Guy, « Fresque et Sketches 2nd round », et les « Hors-Pistes » : « Est-il vraiment sérieux de jongler ? », « Ursulines Dance Floor », « Ursulines Mushroom Power ». En 2005 et 2007, elle développe un travail autour de la notion « d’injonglabilité » et crée deux pièces, « Zapptime#Remix », « Doggy Bag » et deux formes cabaret, « Jules for ever » et « Touch It » avec le sextet « Frasques ».
En 2008, son parcours artistique prend une nouvelle direction avec le projet « I.C.E. » pour Injonglabilité Complémentaire des Eléments, ayant pour objet l’étude des imaginaires de la transformation et de l’érosion au travers de matériaux naturels. En janvier 2008, elle crée le spectacle « P.P.P. » aux Nouvelles Subsistances de Lyon, première Pièce du cycle des « Pièces de Glace ». En novembre, elle crée la performance « L’après-midi d’un foehn Version 1 », première des « Pièces du Vent » au Muséum d’Histoire Naturelle de Nantes.
En 2009, elle collabore au projet « Coyote Pizza » du collectif La Valise en réalisant la performance « Iceman ».
En 2010, à l’invitation du 64ième Festival d’Avignon et de la SACD pour les « Sujets à Vif », elle crée avec le poète sonore Anne-James Chaton la performance « Black Monodie », second opus des « Pièces de Glace ».
En octobre 2011, elle crée deux nouvelles Pièces du Vent : « L’après-midi d’un foehn » et « VORTEX ».
Elle a initié au CIFAS à Bruxelles (Centre International de Formation en Arts de la Scène), avec le philosophe Paul B. Preciado : « In the Mood », un travail sur les questions de Genre et les Humeurs.
En 2012, elle reçoit le Prix du Physical theater du Fringe D’Édimbourg pour « L’après-midi d’un foehn Version 1 ».
En janvier 2014, elle est promue au grade de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par Madame la Ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti.
Elle devient artiste associée à l’Espace Malraux Scène Nationale de Chambéry et de la Savoie.
En 2015, elle devient artiste associée au Théâtre Nouvelle Génération – Centre Dramatique National de Lyon et artiste-compagnon au centre chorégraphique national de Caen en Normandie pour les années 2016, 2017 et 2018.
Elle crée en Juin 2015 « Belle d’Hier » au Festival Montpellier Danse 2015 à l’Opéra Comédie.
En 2017, elle devient artiste associée du Théâtre National de Bretagne de Rennes. Elle est invitée de la documenta 14 à Kassel et y crée « Contes Immoraux – Partie 1 : Maison Mère ». Elle crée, « Les Os Noirs » à Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie (septembre).
Elle donne son nom à la 79ième promotion de l’ENSATT.
En 2018, elle imagine et met en scène d’après les musiques de Jean Philippe Rameau « Et in Arcadia Ego » à l’Opéra-Comique de Paris avec Christophe Rousset, fondateur de l’ensemble musical baroque « Les Talens Lyriques », sur un livret de l’écrivain Eric Reinhardt.
Elle crée la pièce « Saison Sèche », sur la violence faite aux femmes, co-écrite avec Jean-Luc Beaujault, au 72ième Festival d’Avignon en 2018.
Création de la performance « No Way » pour la Veillée de l’Humanité au Théâtre National de Chaillot, la célébration des 70 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Elle intervient dans le cadre de « Art Lab for Human Rights and Dialog » à l’UNESCO le 11 décembre.
En 2019, elle reçoit le Prix Topor/SACD de l’Inattendu « La vie dans tous les sens » et le Grand Prix du Jury au 53ième Belgrade International Theater Festival 2019.
Elle devient présidente de l’association de l’Ecole du TNB de Rennes.
En 2020, elle crée avec la promo X de l’école du TNB, la pièce « Fiction/Friction » et une édition intitulée “La Démocratie, qu’est ce que c’est amusant” avec la 79ième promotion de l’ENSATT à Lyon.
Le 22 juin 2020, le Syndicat de la critique théâtre, danse et musique décerne à Phia Ménard le prix de la critique dans la catégorie Danse – Performance.
En Janvier 2021, elle est interprète de A D-N de la chorégraphe Régine Chopinot.
En 2021 elle crée « La Trilogie des Contes Immoraux (pour Europe) » et les Premières représentations sont données au Festival d’Avignon en juillet, et aux Wiener Festwochen en août.
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ses créations ont été présentées en Afrique du Sud, Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Bénin, Birmanie, Brésil, Bulgarie, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Canada, Cap-Vert, Chili, Chine, Colombie, Corée du Sud, Croatie, Danemark, Ecosse, Emirat du Bruneï, Emirats Arabes Unis, Equateur, Espagne, Etats-Unis, Fédération de Russie, Finlande, France, Gabon, Grèce, Haïti, Hong Kong, Hongrie, Indonésie, Irlande, Italie, Japon, Jordanie, Kosovo, Laos, l’Ile Maurice, Liban, Lettonie, Madagascar, Malaisie, Mali, Maroc, Mexique, Namibie, Niger, Nigéria, Portugal, Royaume-Uni, République de Serbie, Russie, Sénégal, Singapour, Slovaquie, Suède, Suisse, Taïwan, Thaïlande, Togo, Uruguay, Yémen.
La notion de frontière m’a rattrapée, par le récit de celles et ceux qui les ont franchies. Ce fut pour ma part, le récit des jeunes migrant·es isolé·es que ma compagne et moi-même avons accueilli·es durant une période dans notre logement. Nous avons écouté leur nécessité d’un voyage incertain vers un avenir tout aussi incertain. Les faits sont là, dramatiques, qui révèlent l’iniquité. La couleur de peau, le pays d’origine, la religion, les papiers font une différence pour être accueilli·es en Europe. Il faut le dire, l’Europe de Schengen est un château protégé de murs et de douves et nous préférons de ne pas entendre les cris de celles et ceux qui se noient. Parfois nous baissons le pont levis, comme avec cette solidarité sans précédent pour venir en aide aux migrant·es ukrainien·es victimes de l’invasion de la Russie de Poutine. Une soudaine solidarité bienveillante qui interroge quand les migrant·es victimes de guerres en Afrique, au Moyen-Orient, elles·eux, sont parqué·es, refoulé·es, victimes des violences policières, de pushbacks des gardes-côtes. Choix et réflexe de protection, ce sont des violences qui m’interpellent car elles témoignent d’une empathie intéressée. Qui a vu le film de Raoul Peck, « Exterminer toutes ces brutes », ou veut bien regarder l’histoire, comprend que l’histoire mondiale de l’inégalité tient à l’héritage dérangeant de la colonisation. L’enrichissement de l’Occident s’est fait sur le commerce des esclaves, l’accaparement des terres, l’exploitation des richesses et le sang des peuples premiers. Il est impossible de le nier, la frontière est une affaire d’argent et de nationalisme. Malheureusement cette histoire continue…
Je me sens très blanche, privilégiée et coupable en écrivant ces mots. Je suis née au bon endroit et à un bon moment. Je ne suis pas devant des barbelés à chercher un passage, ni à monter sur un radeau pour franchir une mer. Je ne peux donc pas témoigner à la place de celle qui tente de fuir, de traverser et qui n’abandonnera pas devant un refus, une blessure ou devant le mur. Je crois au récit de la victime et du mieux possible je l’écoute parler de frontières physiques et abjectes !
C’est par cette mise au point nécessaire que j’aborde Art.13, dont le titre vient d’un article de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Cet article se révèle en moi comme celui qui reconnait l’humanité vivante sur une sphère, une planète appelée Terre dont la seule frontière certaine est celle de l’espace infini ! C’est aussi celui du point de vue, comme Gilles Deleuze l’explique dans son abécédaire, où il définit la différence entre une pensée de gauche et de droite. Ce sont aussi des mots qui tournent en moi avec intérêt : « déconstruire », « transformer », « vivre ». Je me questionne sur nos façons de penser l’humanité basées sur la dissociation entre les concepts de « nature » et de « culture ». Encore une frontière, celle-ci ontologique, qui me permet de réfléchir notre appréhension d’Être, de devenir, du possible et de l’impossible, de la durée.
« Art.13 », est un acte scénique qui parle d’un monde d’arrogance qui s’effondre mais refuse de se taire. Le point de départ est une scène bucolique d’un jardin domestiqué, où, sur une pelouse parfaitement tondue, trône une statue d’homme surélevée par un socle qui l’éloigne du sol. Un symbole de la Culture tandis que la Nature s’invite dans l’animal qui s’extrait d’un trou avec une hache. Faut-il faire tomber la statue de son socle ou bien l’inverse ? Est-ce une tentative de révolution ou l’aube d’un autre mode d’action ? Détruire ou Déconstruire, tel pourrait-être le sous-titre. Peut-être manquons-nous d’autres chemins pour nous transformer. Des chemins dont Joseph Beuys, Davi Kopenawa, Charles Stepanoff, Val Plumwood et tant d’autres nous parlent. Ceux de notre capacité à rêver des outres-mondes ou quelque chose d’autre. Ceux qui me permettraient de ne plus être femme, blanche, blonde, européenne, terrienne d’apparence (comme l’a défini notre société) et de franchir des espaces sans frontières puisqu’elles n’existent plus. Ne redoutez pas les épreuves puisque c’est un outre-monde.
« Art.13 » est un conte pour s’émerveiller de la décontraction, l’évocation d’autres chemins à imaginer.
Phia Ménard, le 25 janvier 2023