C’est quoi grandir, c’est quoi transmettre, c’est quoi une cellule familiale à l’heure des intelligences artificielles ? La pièce met en scène des adolescents dans un monde où humains et robots cohabiteraient. À travers une série de saynètes parfois cruelles, parfois drôles et sensibles, l’auteur nous entraine dans une puissante réflexion sur la construction de l’identité. Peut-être bien que ce qui ressemble à une fiction d’anticipation est une troublante plongée au coeur de ce qui est déjà la réalité des jeunes gens d’aujourd’hui. Joël Pommerat produit avec maestria un théâtre troublant, intime et politique à la fois.
Conférence en lien avec Contes et légendes
Le jeu des fictions et des illusions
proposée par l’Université Savoie Mont-Blanc,conférence animée par Christophe Triau
La question de la part fictionnelle de la construction des identités, individuelles et sociales, comme celle de notre “fantasme du vrai” sont récurrentes dans les spectacles de Joël Pommerat. Contes et légendes, avec ses adolescents, ses robots anthropomorphes et les interrogations sur le genre qu’il soulève, les explore à nouveau, de manière vertigineuse.
me 22 fév 18h
La Base
entrée libre
Une création théâtrale de Joël Pommerat avec Prescillia Amany Kouamé, Jean-Édouard Bodziak, Elsa Bouchain, Léna Dia, Angélique Flaugère, Lucie Grunstein, Lucie Guien, Marion Levesque, Angéline Pelandakis, Lenni Prézelin scénographie et lumière Éric Soyer recherches visuelles / création costumes Isabelle Deffin habillage/ création Tifenn Morvan, Karelle Durand, Lise Crétiaux création perruques et maquillage Julie Poulain habillage Manon Denarié perruques Jean-Sébastien Merle son François Leymarie, Philippe Perrin création musicale Antonin Leymarie musique originale enregistrée par Ève Rissier, Clément Petit, Isabelle Sorling, Benjamin Bailly, Justine Metral et Hélène Maréchaux dramaturgie Marion Boudier renfort dramaturgie Élodie Muselle assistante mise en scène Garance Rivoal assistante observatrice Daniely Francisque renfort assistant Axel Cuisin, Lucia Trotta régie son Philippe Perrin régie lumière Jean-Pierre Michel régie plateau Héloïse Fizet, Pierre-Yves Le Borgne construction décors Ateliers de Nanterre-Amandiers construction mobilier Thomas Ramon – Artom.
Production Compagnie Louis Brouillard coproduction Nanterre-Amandiers – Centre dramatique national, La Coursive – Scène nationale de La Rochelle, Comédie de Genève, le Festival d’Anjou, La Criée – Théâtre National Marseille, Théâtre français du Centre national des Arts du Canada – Ottawa, La Filature – Scène nationale de Mulhouse, Le Théâtre Olympia – Centre dramatique national de Tours, Espace Malraux – Scène nationale de Chambéry et de la Savoie, Bonlieu – Scène nationale d’Annecy, L’Espace Jean Legendre – Théâtre de Compiègne, La Comète – Scène nationale de Châlons-en-Champagne, Le Phénix – Scène nationale de Valenciennes, L’Estive – Scène nationale de Foix et de l’Ariège, la MC2 – Scène nationale de Grenoble, Le Théâtre des Bouffes du Nord, ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie, le Théâtre National Wallonie-Bruxelles et le National Taichung Theater action financée par la Région Île-de-France cette création bénéficie d’une aide du ministère de la Culture. La Compagnie Louis Brouillard reçoit le soutien du ministère de la Culture/DRAC Île-de-France et de la Région Île-de-France. Joël Pommerat et La Compagnie Louis Brouillard sont associés à Nanterre-Amandiers, à la Coursive / Scène nationale de La Rochelle et à la Comédie de Genève et au TNP/Théâtre National Populaire de Villeurbanne. Les textes de Joël Pommerat sont édités chez Actes Sud-Papiers.
“Qui est homme, qui est robot ? Joël Pommerat sème le trouble, avec un art consommé, dans cette nouvelle création, Contes et légendes. Présenté par son auteur lui-même comme un « petit » spectacle par rapport à Ça ira (1) Fin de Louis, son grand œuvre sur la Révolution française, celui-ci n’en plonge pas moins le spectateur dans un vertige sans fond.Rien que de très simple, pourtant, en apparence, sur le plateau nu où déboulent deux préadolescents mâles, face à une jeune fille dont ils se demandent si elle est un robot ou si elle est « vraie ». La scène, d’une crudité et d’une vérité saisissantes, notamment dans la manière de traduire au théâtre le langage « ensauvagé » des jeunes d’aujourd’hui, inaugure une série de petits récits qui ont en commun de se dérouler dans un monde légèrement futuriste, où les hommes vivraient, au quotidien, avec des robots humanoïdes.”
Le Monde, interview de Joël Pommerat par Fabienne Darge
“À Nanterre-Amandiers, Joël Pommerat imagine un monde où l’androïde est le meilleur ami de l’enfant. Glaçant et cruel. Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques? L’écrivain américain de science-fiction Philip K. Dick pose la question en 1966 dans le roman qui inspirera Blade Runner, le film de Ridley Scott dans lequel Harrison Ford traque des «réplicants». Le sujet n’est pas neuf. On ne sait pas si les robots à visage humain de Joël Pommerat ont une âme. D’une certaine façon, qu’ils aient des sentiments ou non importe peu. Ils ne sont qu’un prétexte, le révélateur des passions humaines.”
Le Figaro, Etienne Sorin
Joël Pommerat
Joël Pommerat est né en 1963. Il est auteur-metteur en scène, et a fondé la Compagnie Louis Brouillard en 1990. Joël Pommerat a la particularité de ne mettre en scène que ses propres textes. Selon lui, il n’y a pas de hiérarchie : la mise en scène et le texte s’élaborent en même temps pendant les répétitions. C’est pour cela qu’il se qualifie d’écrivain de spectacles. En 1995, il crée Pôles, premier texte artistiquement abouti à ses yeux. C’est aussi le premier à être publié en 2002. En 2004, le Théâtre National de Strasbourg accueille la création de sa pièce Au monde, premier grand succès public et critique de la compagnie. Avec la trilogie Au monde (2004), D’une seule main (2005), Les Marchands (2006), Joël Pommerat ancre plus directement ses pièces dans la réalité contemporaine et l’interrogation de nos représentations. Il aborde le réel dans ses multiples aspects, matériels, concrets et imaginaires.
En 2006, Au monde, Les Marchands et Le Petit Chaperon rouge sont repris au Festival d’Avignon, où Joël Pommerat crée également Je tremble (1 et 2) en 2008. Il poursuit sa réécriture des contes avec Pinocchio en 2008 et Cendrillon en 2011. En 2010, il présente Cercles/Fictions au Théâtre des Bouffes du Nord dans un dispositif circulaire, qu’il explore à nouveau dans Ma Chambre froide l’année suivante. En 2013, il crée La Réunification des deux Corées, dans un espace bi-frontal où les spectateurs se font face. En 2015, il crée Ça ira (1) Fin de Louis, une fiction vraie inspirée de la Révolution française de 1789. En 2019, il crée Contes et légendes, une fiction documentaire d’anticipation sur la construction de soi à l’adolescence et le mythe de la créature artificielle. Depuis 2014, il mène des ateliers à la Maison Centrale d’Arles, avec des détenus de longue peine. Fin 2017, il crée Marius (d’après Marcel Pagnol) en collaboration avec Caroline Guiela Nguyen et Guillaume Lambert. En 2018, il crée également Amours composé de différentes scènes de La Réunification des deux Corées et de Cet Enfant. En 2022, il présente Amours (2) à la Friche la Belle de Mai. À l’opéra, Joël Pommerat a collaboré avec Oscar Bianchi en adaptant sa pièce Grâce à mes yeux (Thanks to my eyes, Festival d’Aix-en-Provence, 2011). En 2014, il présente Au monde, mis en musique par Philippe Boesmans au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles. Pour le Festival d’Aix-en-Provence, en 2017, il adapte sa pièce Pinocchio pour une nouvelle collaboration avec Philippe Boesmans. En septembre 2019, à l’initiative de l’Opéra-Comique il écrit le livret et met en scène L’Inondation, inspiré et adapté de l’œuvre éponyme de Evgueni Zamiatine, sur une création musicale de Francesco Filidei. Joël Pommerat a reçu de nombreux prix pour son œuvre. Depuis ses débuts, il a été soutenu par de longs partenariats avec le Théâtre Brétigny et le Théâtre Paris-Villette.
À l’invitation de Peter Brook, il a également été artiste en résidence au Théâtre des Bouffes du Nord entre 2007 et 2010. Il a ensuite été artiste associé au Théâtre National Bruxelles-Wallonie ainsi qu’à l’Odéon-Théâtre de l’Europe.
Depuis 2014, il fait partie de l’association d’artistes de Nanterre-Amandiers. La Compagnie Louis Brouillard est également associée à la Coursive – Scène nationale de la Rochelle, à la Comédie de Genève et depuis janvier 2020 au TNP de Villeurbanne.
Avec Contes et légendes, Joël Pommerat poursuit son observation des valeurs et des identités contemporaines en se tournant vers le futur et ce moment particulier qu’est l’adolescence. Le point de départ du spectacle est l’enfance et la manière dont un jeune se construit, en réaction à son environnement et à certaines règles ou représentations collectives. Joël Pommerat associe ce moment de construction de soi au mythe de la créature artificielle en mettant en scène un monde légèrement futuriste dans lequel les humains cohabiteraient avec des robots sociaux. Alors que son précédent spectacle, Ça ira (1) Fin de Louis (2015), réactivait le passé révolutionnaire à travers une épopée immergeant le public dans des débats politiques, Contes et légendes revient à une forme de théâtre intime pour explorer une série d’interactions sociales, familiales ou affectives entre des adolescents, des adultes et des robots androïdes intégrés à leur quotidien.
Comme on fait des expériences en laboratoire, avec le plus de concret et de précision possible, Joël Pommerat questionne nos représentations de nous-mêmes et observe ce que ces êtres artificiels pourraient révéler ou modifier dans nos relations et constructions humaines. Déjà présente dans sa réécriture de Pinocchio (2008), pantin adolescent rebelle lancé sur le chemin de l’humanité, lointain cousin de Galatée animée par l’amour de son créateur dans les Métamorphoses d’Ovide, cette question de l’identité prend dans Contes et légendes une couleur plus troublante encore, qui n’est pas sans rappeler également certaines scènes de Cet enfant (2006) ou de La Réunification des deux Corées (2012). Différents régimes de présence et de vérité se mêlent sur scène pour confronter le spectateur à la complexité de nos émotions, à l’ambiguïté de notions telles l’authenticité ou le mensonge et à la violence persistante de certaines normes sociales. Sans tenir de discours sur les progrès ou les dangers de l’intelligence artificielle ni céder au sensationnalisme de la SF, Contes et légendes donne à éprouver ces nouveaux troubles dans le genre à travers une mosaïque d’instants sensibles et drôles. Dans l’enchantement du théâtre, adolescents en crise et androïdes invitent à toutes les simulations et reconfigurations possibles. Traitant la fiction d’anticipation comme un fait réel et documentaire, Joël Pommerat renouvelle une fois encore cette inquiétante étrangeté teintée de philosophie qui fait la singularité de son théâtre depuis plus de 25 ans.
Marion Boudier, novembre 2019