Avec (La bande à) LAURA, il s’agit de rendre visible celles qui alors n’étaient qu’en arrière-plan des tableaux, celles dont personne ne connait le nom, celles dont on ne connait pas l’histoire. Gaëlle Bourges propose ainsi de revisiter et de réactiver des tableaux mythiques tels que l’Olympia d’Édouard Manet (1863) afin de bousculer les esprits sur la place des femmes dans l’art, mettant en lumière ce que le racisme, le sexisme et les rapports de classe ont empêché. Une invitation autant qu’une nécessité à renouveler son regard sur l’histoire de l’art.
conception & récit Gaëlle Bourges avec Carisa Bledsoe, Helen Heraud, Noémie Makota & Julie Vuoso chant Toutes les performeuses accompagnement pour le chant Olivia Denis robes Anne Dessertine costumes & accessoires Gaëlle Bourges & Anne Dessertine lumière Abigail Fowler musique Stéphane Monteiro a.k.a XtroniK + Marie Jaëll (Valses mélancholiques: No 1, Pas trop lentement ; Six esquisses romantiques pour piano : No 1, Les ombres ; Six esquisses romantiques pour piano : No 3, Métamorphose) + Chiquinha Gonzaga, air de Atraente + Giuseppe Verdi (La Traviata, Acte 3, Prélude) régie générale, régie son & régie lumière Guillaume Pons
production association Os coproduction Le T2G – Théâtre de Gennevilliers ; le Théâtre de la Ville – Paris / Festival d’Automne à Paris ; L’échangeur – CDCN Hauts-de-France ; le Théâtre d’Arles ; le TANDEM, scène nationale de Douai-Arras; La Rose des Vents, scène nationale de Villeneuve d’Ascq avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre de son programme New Settings, de la Région Ile-de-France dans le cadre de l’aide à la création, du Département des Bouches-du-Rhône – Centre départemental de créations en résidence, du département de l’Essonne et de l’Amin Théâtre – Le TAG
- Le travail de Gaëlle Bourges témoigne d’une inclination prononcée pour les références à l’histoire de l’art, et d’un rapport critique à l’histoire des représentations : elle signe, entre autres, le triptyque Vider Vénus (une digression sur les nus féminins dans la peinture occidentale) ; A mon seul désir (sur la figure de la virginité dans la tapisserie de « La Dame à la licorne »), présenté au festival In d’Avignon (2015) ; Lascaux, puis Revoir Lascaux (sa version tous publics) sur la découverte de la grotte éponyme ; Conjurer la peur, d’après la fresque du « bon et du mauvais gouvernement », peinte par Ambrogio Lorenzetti dans le palais public de Sienne ; Le bain, pièce tous publics à partir de deux scènes de bain beaucoup traitées dans la peinture (Suzanne et Diane au bain) ; Incidence 1327, sur la rencontre de Pétrarque avec Laure, performance co-signée avec la plasticienne Gwendoline Robin (« Sujet à Vif », Festival d’Avignon 2018) ; Ce que tu vois, d’après la tenture de l’Apocalypse d’Angers ; OVTR (ON VA TOUT RENDRE), sur le pillage de l’Acropole par un ambassadeur britannique à Athènes, au début du 19e siècle ; Confluence n°… avec Gwendoline Robin, sur les lunes de Jupiter et la figure de Galilée ; LOULOU (la petite pelisse), une commande dans le cadre du dispositif La Fabrique des écritures / Cie Les Fêtes Galantes – Béatrice Massin, qui s’amuse du rapport entre corps nus et fourrures à partir d’un tableau de Rubens. Gaëlle Bourges est par ailleurs diplômée de l’université Paris 8 – mention danse ; en « Éducation somatique par le mouvement » – École de Body-Mind Centering ; et intervient sur des questions théoriques en danse de façon ponctuelle. Elle a également suivi une formation en musique, commedia dell’arte, clown et art dramatique. Elle a fondé et animé plusieurs années une compagnie de comédie musicale pour et avec des enfants (le Théâtre du Snark) ; a travaillé en tant que régisseuse plateau à la BNF ou encore comme stripteaseuse dans un théâtre érotique.
Il y a longtemps que je collectionne des cartes postales reproduisant des oeuvres que je vois dans les musées. C’est un peu une tradition : je visite un endroit, et avant de partir je passe à la boutique de souvenirs pour choisir quelques reproductions de ce que j’ai préféré – pour me souvenir, justement. Ces cartes arrivent ensuite sur mes étagères, et je peux les regarder à loisir depuis mon canapé. C’est peutêtre à force de regarder ces reproductions d’images anciennes que j’ai eu envie d’expérimenter comment leur donner corps sur scène. Ce qui est paradoxal, puisque dans mes spectacles, on ne voit finalement jamais l’image en question. C’est tout le travail qui anime les performers sur scène : rendre visible quelque chose de l’image, sans jamais en montrer une reproduction. C’est pour cette raison que je n’utilise jamais le medium photographique ou vidéo et que je préfère avoir recours à des matériaux simples : tables, chaises, bâches, cartons, fils, scotch, etc. qui sont choisis ou/et fabriqués par nous soigneusement, scrupuleusement, malgré la modestie de leur apparence. Pour rendre visible quelque chose de l’oeuvre, il s’agit alors d’inventer une série de manipulations de ces objets qui soit capable de donner à voir l’espace où des corps – qu’ils soient humains, animaux, plantes, couleurs, etc. – sont présents ; c’est à dire : l’espace de l’oeuvre, mais aussi et simultanément, l’espace où elle est exposée. Créer un dispositif de vision. Les actions des performers sur scène consistent donc à organiser peu à peu et en direct ce dispositif, tout en interagissant entre eux et de conserve. La lumière complexifie encore d’avantage la relation à l’image d’origine : l’éclairagiste, Abigail Fowler, ne recopie en effet pas la lumière présente dans l’oeuvre, mais l’interprète. L’Olympia d’Édouard Manet fait partie de ces « vieilles » images marquantes qui nous habitent, et qui construisent encore notre rapport au monde en termes d’imaginaire – que l’on en ait conscience ou pas d’ailleurs : une multitude d’images anciennes se cachent dans les images contemporaines. Apprendre à les 4 voir à travers la profusion « visuelle » dans laquelle on vit aujourd’hui, c’est comme plonger dans un fleuve et remonter à contre-courant vers sa source – on glisse dans des rivières, des ruisseaux, des eaux souterraines en affinant ses perceptions, en cultivant sa pensée, en vidant le trop plein. Elles sont comme les cailloux blancs déposés par un Petit Poucet dans la forêt dense pour trouver le chemin de retour vers la maison. Ici, la maison ne serait pas le foyer familial, mais plutôt un mouvement vers ce qui est bien antérieur au temps de maintenant ; un arpentage du processus de sédimentation qui a façonné patiemment notre façon de voir le monde : le rapport des peintres au nu féminin, par exemple. Le mouvement à rebours vers l’oeuvre induit de la renommer : ce ne sera pas Olympia, nom de déesse imaginé par Manet et qui n’a jamais existé dans le panthéon gréco-romain. C’est pourtant le nom qu’on donne habituellement à la figure la plus commentée du tableau : la femme allongée, qui ne s’est jamais appelée « Olympia », en vrai. Ce sera (La bande à) LAURA, en hommage au prénom de la figure oubliée : la femme debout qui tend les fleurs à la femme allongée. Elle se prénommait Laure, en vrai.




