Comment se laisser aller à la rêverie et la faire résonner en musique, avec des masques, en couleurs et en danse ? Avec Scapin évidemment ! Mais dans une mise en scène aux allures de cartoon et haute en couleurs. Omar Porras reprend pour notre plus grand bonheur cette mise en scène ayant enchanté tant de spectateurs il y a 15 ans. Scapin orchestre une série de fourberies avec travestissements, créations de personnages imaginaires et scenarii improbables. Du théâtre de Molière ? Oui mais surtout du théâtre festif, onirique, humaniste, bref du plaisir en libre accès !
Mise en scène Omar Porras Assistanat à la mise en scène Marie Robert Adaptation et dramaturgie Omar Porras et Marco Sabbatini Collaboration artistique Alexandre Ethève Scénographie et masques Fredy Porras Musique Erick Bongcam et Omar Porras (avec la collaboration de Christophe Fossemalle) Création lumière Omar Porras et Mathias Roche Costumes Bruno Fatalot Assistantes costumes Julie Raonison, Leïla Christen Postiches, perruques et maquillages Véronique Soulier-Nguyen assistée de Léa Arraez Accessoires Laurent Boulanger Construction décor Jean-Marc Bassoli, Alexandre Genoud, Olivier Lorétan, Yvan Schlatter, Noé Stehlé Peinture décor Béatrice Lipp, Lola Sacier Régie générale Gabriel Sklenar Régie son Emmanuel Nappey, Ben Tixhon Régie lumière Marc-Etienne Despland, Denis Waldvogel Avec Olivia Dalric, Peggy Dias, Karl Eberhard, Alexandre Ethève, Caroline Fouilhoux, Pascal Hunziker, Laurent Natrella, Marie-Evane Schallenberger
Production et production déléguée TKM Théâtre Kléber-Méleau, Renens Avec le soutien des Amis du TKM et du Pour-cent culturel Migros. Remerciement (pour le final): Julio Arozarena
Ce spectacle a été créé en mai 2009 au Théâtre de Carouge (coproducteur), à Genève, dans sa première version.
MOLIÈRE – Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673), a marqué durablement l’histoire du théâtre en donnant ses lettres de noblesse à la farce et en créant de nouveaux genres : la comédie classique et la comédie-ballet (avec sa variante, la tragédie-ballet), l’ancêtre de la comédie musicale à la française. Lorsque Molière écrit cette comédie en prose en trois actes, en 1671 (Les Fourberies de Scapin) au Théâtre du Palais-Royal, il est l’auteur de plus d’une trentaine de pièces et à la tête d’une troupe qui porte le nom du roi Louis XIV. Sa notoriété est sans pareille. C’était l’année où était attendue Psyché au Palais-Royal, mais la salle des machines où elle devait être créée nécessitait des travaux plus longs que prévus. Les Fourberies de Scapin furent écrites dans l’urgence pour faire face à ce retard : dix-huit représentations en furent données avant que la première de Psyché fût possible.
OMAR PORRAS — Après avoir grandi en Colombie, Omar Porras arrive à Paris à l’âge de 20 ans, en 1984. Il fréquente d’abord la Cartoucherie de Vincennes, découvre, fasciné, le travail d’Ariane Mnouchkine et de Peter Brook, fait un bref passage dans l’École de Jacques Lecoq, travaille avec Ryszard Cieślak, puis rencontre Jerzy Grotowski – ce qui l’incite à s’intéresser aux formes orientales (Topeng, Kathakali, Kabuki). Il fonde le Teatro Malandro à Genève en 1990, affirmant une triple exigence de création, de formation et de recherche.
Son répertoire puise autant dans les classiques avec Faust de Marlowe (1993), Othello (1995) et Roméo et Juliette (2012 en japonais) de Shakespeare, Les Bakkhantes d’Euripide (2000), Ay! QuiXote de Cervantès (2001), El Don Juan de Tirso de Molina (2005 ; 2010 en japonais), Pedro et le Commandeur de Lope de Vega (2006), Les Fourberies de Scapin (2009) et Amour et Psyché de Molière (2017), Le Conte des contes (2020) que dans les textes modernes avec La Visite de la vieille dame de Friedrich Dürrenmatt (1993 ; 2004 ; 2015), Ubu roi d’Alfred Jarry (1991), Strip-Tease de Slawomir Mrozek (1997), Noces de sang de García Lorca (1997), L’Histoire du soldat de Ramuz (2003 ; 2015 ; 2016), Maître Puntila et son valet Matti de Brecht (2007), Bolivar : fragments d’un rêve de William Ospina (2010), L’Éveil du printemps de Wedekind (2011) et La Dame de la mer d’Ibsen (2013). Il explore l’univers de l’opéra avec L’Elixir d’amour de Donizetti (2006), Le Barbier de Séville de Paisiello (2007), La Flûte enchantée de Mozart (2007), La Périchole d’Offenbach (2008), La Grande-Duchesse de Gérolstein (2012), Coronis (2019) et celui de la danse avec Les Cabots, pièce imaginée et interprétée avec Guilherme Botelho de la Compagnie Alias (2012). Il interprète également La Dernière Bande de Samuel Beckett, mise en scène par Dan Jemmett (2017), et Ma Colombine de Fabrice Melquiot (2019), un seul-en-scène poétique qui raconte sa jeunesse en Colombie et sa rencontre avec le théâtre, mais nous avons pu le retrouver au plateau avec sa troupe avec Carmen l’audition et Pour Vaclav Havel (2021).
Il a reçu plusieurs distinctions dont, en 2014, le grand prix suisse du théâtre/ Anneau Hans-Reinhart et dirige depuis 2015 le TKM-Théâtre Kléber-Méleau.
Cher Monsieur Molière,
C’était le 16 juillet 1984, deux jours après les célébrations annuelles de la fin de la monarchie absolue en France que j’ai débarqué dans votre beau pays. En retard de deux jours pour la fête nationale et en décalage de six heures par rapport à la Colombie. Sachez que je n’avais dans mon petit baluchon d’émigré aucun repère linguistique, aucune méthode phonétique ou grammaticale. Ma seule richesse pour garantir le bon déroulement de mon voyage était un petit scapulaire de dévotion que ma vieille mère m’avait confié et une soif inextinguible de découvrir et apprendre ce qu’on appelait depuis le XIXe siècle la langue de Molière, en une reconnaissance du talent d’un auteur classique parmi les classiques.
Cher Monsieur, votre œuvre m’a donné le courage d’oser respirer au rythme de votre langue, de danser la musique de tous les accents de la France, du gascon comme de l’occitan et du picard, la langue de la cour et de l’aristocratie comme celle du peuple. Par votre génie et votre courage, vous avez su vous écarter des normes d’une époque, vous avez traversé toutes les adversités possibles et impossibles qui font le pain quotidien d’une troupe de théâtre, vous avez bravé (et cela dans l’enthousiasme), l’humour et l’élégance, les caprices d’une couronne et la lâcheté d’une cour qui ne songeait qu’être flattée et à vivre toutes les licences d’un mauvais usage du divertissement. Vous avez su dénoncer l’hypocrisie en matière d’amour, d’amitié et de religion. Depuis mes premières lectures de vos textes, un chemin de liberté s’est ouvert, parce que vous m’avez appris la puissance de l’audace.
Vous seriez très étonné, cher Monsieur Molière, d’apprendre qu’après votre mort toutes les équivoques, toutes les calomnies et les haines auxquelles vous avez fait face, les pommes qui pleuvaient sur votre scène, se sont transformées en louanges et en légendes : cette palpitation intense et ardente qui logeait dans votre chair d’homme de théâtre s’est mue en statuette marchande de bronze ou de marbre, en bibliothèques, mais aussi en allées, rues, restaurants et jardins.
Oui, j’étais très jeune quand je vous ai découvert. J’avais vingt ans. Ma curiosité avait guidé mes pas à la fois vers la poésie et l’art dramatique et vers vous, un passeur de traditions, de culture et de patrimoine, vers cette figure qui incarne la langue de tout un peuple, agile dans le maniement de tous les registres – qui n’a pas eu son pareil pour s’adresser à tous les publics, populaires dans des tourn.es de Carcassonne à Grenoble ou Rouen, comme royaux à la cour de Versailles. Quatre siècles après votre naissance, plus jeune que jamais, vous nous faites tressaillir, nous invitez à interroger joyeusement le monde – et nous inspirez, d’autant que, comme le dit Octave dans Les Fourberies de Scapin, en s’adressant à Hyacinthe, “on ne peut vous aimer qu’on ne vous aime toute la vie”.
Avec la vitalité créative de l’équipe d’artistes et d’artisans qui m’entourent et le redéploiement de nos imaginaires, nous voulons aujourd’hui plus que jamais faire résonner vos mots pour honorer votre élan de poète et de penseur, en espérant transmettre à notre public votre flamme de visionnaire et de révolté – qui nous inspire depuis quatre siècles. Il ne s’agit pas de donner une leçon, mais de prolonger votre rêverie profonde et engagée, de la faire résonner en musique, avec des masques, en couleurs et en danses, pour stimuler cette nécessité et cette urgence qui sont les nôtres de réinventer notre présence au monde.
Le philosophe australien Glenn Albrecht déclare – et vous ne seriez pas étonné de l’apprendre –, “[q]u’il existe aujourd’hui une guerre émotionnelle ouverte entre les forces de la création et les forces de la destruction sur cette Terre”. Eh bien, permettez-moi de redire, très cher Monsieur Molière, que la vitalité de votre oeuvre et la dynamique de votre regard plein d’acribie, toujours capable d’agir sur nous et de nous transformer reste un exemple de résistance contre l’adversité et le conformisme, que la voix de vos personnages me fait encore croire que notre monde sera toujours radieux et que l’utopie de la poésie, bien qu’elle puisse être inquiétante, est salvatrice : elle rend sensible, peut être partagée par tous et, comme votre théâtre, est un langage universel.
Omar Porras





