C’est une nouvelle création de Phia Ménard qui va voir le jour sur le plateau de l’Espace Malraux (la dernière avant travaux !). Comme pour L’Après-midi d’un foehn et Vortex, il s’agit d’une pièce du vent. L’air y sera omniprésent. Tout comme une couleur : le noir. Sur le plateau, un corps, celui de la marionnettiste Chloée Sanchez, aux prises avec la matière. Elle est là, à regarder des vagues s’approcher, s’enrouler autour de son corps, l’emporter vers les limbes. Elle est là, prisonnière d’une croute terrestre, spéléologue sans lampe, formant les chaînes d’une montagne pour s’en faire une terre. Car le thème c’est la mort. Mais comme toujours, l’artiste vient nous surprendre par une série d’images qui nous élèvent au-dessus du sens commun pour nous ouvrir les portes du mythe. Un poème sombre, aux matières noires mouvantes surdimensionnées, avec le souffle comme lien à la vie. Une expérience sensorielle inédite.
la génèse
Comme souvent, je ressens le sujet imprégner depuis longtemps en moi avant de formuler une parole intelligible.
Au printemps dernier, je travaille à la création de Icônes de Anne-James Chaton (avec lequel j’avais réalisé Black Monodie pour les Sujet à Vifs du Festival d’Avignon en 2010) à partir de son livre « Elle regarde passer les gens ». Je découvre dans mes gestes et la forme de manipulations de matières un chemin de narration large et puissant. Utilisant des pans de tissus noir et de plastique noir, je commence à créer une forme d’écriture prise en sandwich entre le plateau et ces éléments de grandes dimensions, comme l’émergence d’une vie « souterraine ».
Durant l’été 2016, je propose à Chloée Sanchez, jeune artiste formée au Centre National de la Marionnette de Charleville Mézières, rencontrée durant un atelier à la Maison des Jonglages, de pratiquer ensemble et d’échanger autour de ces matières de grand format. Nous questionnons ensemble un certain nombre de sujets liés à l’identité, le désir, la folie. Cette rencontre sera déterminante dans la décision de créer cette nouvelle forme des Pièces du Vent.
Je crois à la rencontre, c’est ainsi que je procède dans le choix d’une ou d’un interprète.
Comme pour Belle d’Hier, ou L’après-midi d’un foehn, ce sont des artistes qui viennent à ma rencontre. C’est la profondeur de l’interprétation qui les attire et qui m’attire aussi. Se donner aux spectateurs n’est pas un acte de gloire mais une question de justesse et de compréhension des dégâts collatéraux, qu’ils soient positifs ou négatifs, de nos représentations. Je me refuse à la facilité et c’est ce que je demande à l’interprète de comprendre dans un processus de création d’une forme. Ce dialogue entre l’auteur et l’interprète est un acte passionnel qui s’inscrit jusqu’à l’outrance pour trouver les frontières du sujet.
En travaillant avec une jeune femme sur un sujet aussi sombre, il faut s’extraire de la question d’une fin de vie pour ramener un sens mythique, l’image d’une virginité que l’on souhaiterait immortelle. Aucun parent ne veut imaginer la mort de ses enfants avant sa propre mort, les mythologies sont construites autour de cette relation existentielle.
Chloée est une artiste formée à la manipulation et au théâtre de marionnette, ventriloque, musicienne, portée par des questions de l’humain et de la maladie mentale.
Elle est silencieuse mais elle sait se frayer un chemin jusqu’aux cris.
Phia Ménard