Les supporters du RC Lens, vous connaissez ? D’eux, on dit volontiers qu’ils sont le meilleur public de France. Notre artiste associé Mohamed El Khatib, qui a voulu un temps devenir joueur professionnel de football, a eu envie de confronter le public des théâtres à celui des stades de foot. Et cela donne une rencontre incroyable ! Avec une petite frite mayo à la mi-temps, on se laisse emporter par les récits de ces 50 irréductibles pour qui, être supporter, est l’affaire d’une vie. Ils sont là, ils nous racontent, leur joie est communicative. Venez faire vibrer les murs du théâtre au rythme de la Lensoise !
texte Mohamed El Khatib conception et réalisation Mohamed El Khatib et Fred Hocké avec 53 supporters du Racing Club de Lens scénographie, lumière et vidéo Fred Hocké son Arnaud Léger collaboration artistique Eric Domeneghetty, Violaine de Cazenove régie Violaine de Cazenove, Clémence Drack, Jonathan Douchet, Fred Hocké, Arnaud Léger production Martine Bellanza diffusion Sylvia Courty et Gil Paon administration Alice Le Diouron presse Nathalie Gasser photo Yohanne Lamoulère conseil éditorial William Nuytens
Une production Zirlib avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre du programme New Setting et du Fonds SACD Théâtre.
En coproduction avec Théâtre Olympia, Centre dramatique national de Tours – Tandem Douai-Arras, Scène nationale, Festival d’Automne à Paris – Théâtre de la Ville, Paris – La Colline – Théâtre National, Châteauvallon, Scène nationale – Le Grand T, Théâtre de Loire Atlantique – Théâtre National de Bretagne – Théâtre du Beauvaisis – Scènes du Golfe – Vannes, La Scène – Musée du Louvre – Lens, Résidences Le Quai – CDN Angers Pays de la Loire, la Ville de Grenay.
Zirlib est conventionnée par le ministère de la Culture et de la Communication – Drac Centre-Val de Loire, par la Région Centre-Val de Loire et soutenue par la Ville d’Orléans.
Mohamed El Khatib est artiste associé au Théâtre de la Ville à Paris, au Théâtre National Wallonie-Bruxelles, au Théâtre National de Bretagne, et à Malraux, Scène nationale de Chambéry et de la Savoie.
Mohamed El Khatib
Il n’a pas été l’assistant de Wajdi Mouawad. A intitulé son dernier texte Tous les tchétchènes sont pas des menteurs. A vécu à Mexico. Réalise des courts-métrages. Attend impatiemment d’être victime de discrimination positive. S’astreint à confronter le théâtre à d’autres médiums (cinéma, installations, journaux) et à observer le produit de ces frictions. Après des études de Lettres, un passage au CADAC (Centre d’Art Dramatique de Mexico) et une thèse de sociologie sur « la critique dans la presse française », il co-fonde en 2008 le collectif Zirlib autour d’un postulat simple : l’esthétique n’est pas dépourvue de sens politique. Cet auteur-metteur en scène-chorégraphe, accompagné par L’L – lieu de recherche pour la jeune création à Bruxelles, est artiste associé au CDN d’Orléans.
Note de l’auteur, fils d’ouvrier
11 Octobre 2010, publication de mon premier texte de théâtre À l’abri de rien. En découvrant la dédicace, à Yamna, mon père me dit : « de toute façon dans cette maison y’en a que pour ta mère ». Il n’a jamais lu le texte, et pour cause il ne sait pas lire. Je m’étais promis de lui faire un spectacle hommage en 2012.Mais entre temps, j’ai perdu ma mère pour qui j’ai écrit Finir en beauté. Cette fois il n’a rien trouvé à redire à la dédicace. Il était ouvrier. Il s’appelle Ahmed, pour lui, j’avais prévu d’intituler ma prochaine pièce La vie d’Ahmed le magnifique en racontant sa trajectoire d’ouvrier illettré ayant traversé le détroit de Gibraltar à la nage dans les années 70. Mais d’une part, Alain Badiou m’a volé le titre pour une série théâtrale, d’autre part, cela aurait participé à faire fructifier ma propre mythologie de fils d’ouvrier. Or, la réalité est que mon père n’est pas qu’un noble ouvrier, il est avant tout un supporter de football. Et cette idée insupportable pour moi, il me faut enfin l’assumer. L’héritage est là, j’ai toujours eu non seulement un peu honte de mon père mais également de ma passion cachée pour le football. Il est temps de se réconcilier. Je me rends compte que ce souci d’écrire les classes populaires n’émerge qu’une fois qu’on en est sorti. Et la manière dont on restitue un monde est d’autant plus délicate qu’on ne le fait pas tout à fait avec les mots de ce monde-même. Les textes feront donc l’objet d’un travail de construction pour être au plus près de la vérité. Par ailleurs, ne souhaitant pas alimenter la mythologie ouvriériste, c’est sans complaisance qu’on a jugé plus utile de leur demander de « supporter » plutôt que de nous raconter combien c’est dur d’être chômeur ou au mieux ouvrier. On va poser notre regard sur ces corps, plus d’une centaine, et on rendra compte ici de ces rencontres dans les stades mais également dans des sphères plus intimes. Ainsi ces portraits sensibles constituent autant de membres d’une grande famille, que je regarde toujours avec bienveillance et tendresse, et qui peuvent tout autant m’effrayer quand j’observe la misère sociale, intellectuelle et politique qui en surgit parfois.
Zirlib envisage la création contemporaine comme une expérience, un geste sensible/social dont la dimension esthétique la plus exigeante doit se confronter au quotidien le plus banal. La performance constitue un espace de croisement de différents langages artistiques (plastiques, cinématographiques, chorégraphiques, numériques, sonores…). Le point de départ de notre travail est toujours une rencontre. Rencontre avec une femme de ménage, un éleveur de mouton, un électeur du Front national, un marin. À partir de ces rencontres, se mettent en place des protocoles de recherche qui aboutissent à des formes dont chacun peut s’emparer immédiatement. Cette fois, nous avons opté pour un projet de masse, qui met aux prises des amateurs avec une pratique populaire et mondialisée : le football.
L’art du portrait
Après une immersion d’un an à l’occasion de la saison 2015-2016 aux côtés des clubs de supporters du RC Lens, nous allons réunir 53 membres de ces associations pour créer une performance documentaire singulière. En s’appuyant sur des témoignages individuels et des trajectoires personnelles, cette création donnera à voir et entendre des personnes qui consacrent une part importante de leur vie au supporterisme. À partir de ces comportements parfaitement codifiés, nous observerons comment se mettent en tension les rapports entre l’individu et le groupe, et la façon dont ils se nourrissent au sein d’un rituel extrêmement réglé. Chants, Tifos, travail de choeur, la dimension chorégraphique et plastique de ces cérémonies contemporaines seront au coeur de notre dispositif. Un projet chorégraphique pour 53 supporters à travers lequel nous allons dresser les portraits arrangés et multiples d’une foule en mouvement. Cette « partition gestuelle et documentaire » s’inscrit dans le registre des happening performatifs et sensibles.


