Qu’est-ce qu’être juif en France en 2023 ? Le metteur en scène Yuval Rozman tente d’apporter des réponses dans une comédie surréaliste qui ne craint ni le burlesque, ni l’excès, ni la provocation. The Jewish Hour, c’est le titre d’une émission radio amateure enregistrée dans un studio à Netanya. Et à force de gags et de bonne humeur, elle devient bigrement dérangeante… Osant les grands écarts entre humour corrosif et gravité, entre sketchs et poésie, Yuval Rozman signe avec ses trois acteurs irrésistibles, une satire médiatico-politique déjantée : « Au théâtre, je veux rire avec les larmes et danser sur la violence ».
Rencontre avec Yuval Rozman et les comédiens à l’issue de la représentation du 31 janvier.
texte et mise en scène Yuval Rozman avec Stéphanie Aflalo, Gaël Sall et Romain Crivellari création sonore et musique Romain Crivellari scénographie et lumières Victor Roy régie générale Christophe Fougou assistant mise en scène Antoine Hirel collaboration ponctuelle Nathalie Kousnetzoff regard extérieur ponctuel Camille Louis administration, production, diffusion AlterMachine – Camille Hakim Hashemi et Erica Marinozzi.
production Latitudes Prod., Compagnie Inta Loulou coproductions le phénix scène nationale Valenciennes, pôle européen de création; Maison de la Culture d’Amiens, Pôle européen de création et de production, Maison de la Culture de Bourges, scène nationale, Théâtre Garonne, scène conventionnée Toulouse accueil en résidences Théâtre de Nanterre Amandiers, centre dramatique national ; La Chambre d’Eau, Le Favril; Théâtre de la Bastille, Paris résidence d’écriture La Chartreuse Centre national des écritures du spectacle à Villeneuve-lès-Avignon. Réalisé avec l’aide du Ministère de la Culture, de la DRAC Hauts-de-France dans le cadre de la résidence à la Chambre d’Eau Le Favril et de l’Aide à la reprise, de la SPEDIDAM. Ce spectacle a bénéficié de l’aide à l’écriture et à la production de l’association Beaumarchais- SACD. The Jewish Hour est lauréat du prix du jury de la 12ème édition du festival Impatience.
Après des études au Conservatoire national de Tel-Aviv, Yuval Rozman crée sa compagnie en 2010 et développe ses propres travaux comme auteurmetteur en scène. Son spectacle Cabaret Voltaire, avec l’acteur palestinien Mohammad Bakri, reçoit les félicitations du jury et le 1er prix du C.A.T International Theatre Festival d’Israël : meilleure pièce, meilleure mise-en-scène, meilleure musique originale et meilleure chorégraphie. Au festival actOral – Marseille, il présente deux mises en espaces Jecroisenunseuldieu de Stefano Massini en 2013 puis Sight is the Sense de Tim Etchells avec Laetitia Dosch en 2014. Cette même année, il assiste Hubert Colas sur Nécessaire et Urgent d’Annie Zadek. En 2015, il joue dans La Mégère apprivoisée mis en scène par Mélanie Leray, en 2016 dans Face au mur de Martin Crimp et en 2017 dans Une Mouette et autres cas d’espèces, tous les deux mis en scène par Hubert Colas. En tant qu’auteur, il écrit Sous un ciel bleu et des nuages blancs, Cabaret Voltaire, puis il co-écrit Un Album avec Laetitia Dosch. En 2017, il écrit Tunnel Boring Machine qui reçoit les encouragements de la commission CNT/ ARCENA en 2018. La pièce a été jouée à Valenciennes et Tournai, dans le cadre du festival Next, à Vanves dans le cadre d’Artdanthé, au Tandem Scène nationale d’Arras, à la Maison de la culture de Bourges, au Théâtre du Nord à Lille et au Festival Latitudes Contemporaines. TBM a été accueilli en résidence d’écriture à Montévidéo à Marseille, à la Chartreuse de Villeneuve-lès- Avignon et au Tripostal à Lille. En 2018, Yuval Rozman a collaboré également avec Laetitia Dosch à l’écriture et à la co-mise en scène de la pièce HATE, présentée entre autres à Vidy – Lausanne, et à Nanterre- Amandiers CDN dans le cadre du Festival d’Automne et récemment aux 2 scènes, Scène nationale de Besançon. Sa dernière pièce, The Jewish Hour, créee en mars 2020 au phénix Scène nationale de Valenciennes, est lauréate du prix du jury au festival Impatience 2020 et a obtenu la bourse Beaumarchais SACD. Cette même année, Yuval Rozman collabore de nouveau avec Laetitia Dosch pour la création de Radio Arbres. En 2021, il assiste Julien Andujar dans la mise en scène de Tatiana (création novembre 2022), ainsi qu’Hélène Iratchet pour Delivrés. En 2021 il a également fait parti du jury de la 13ème édition du festival Impatience et, en 2022, du jury SACDBeaumarchais pour la commission d’automne. Actuellement, Yuval Rozman travaille sur son prochain spectacle Ahouvi, création en février 2023, alors qu’Adesh, dernier volet de la Quadrilogie de ma Terre, a reçu le soutien de l’Institut Français dans le cadre d’une « Résidence Sur Mesure » et verra le jour à la saison 2024-2025.
Ma présence en Europe et en quelque sorte mon exil provoquent en moi un mouvement auquel je ne m’attendais pas dans mon rapport à la judéité. A l’heure où j’écris, les évènements récents dans mon pays (Jérusalem fête son ambassade américaine, Gaza pleure ses morts) et ce que j’ai appris sur la complicité de la France et des pays occidentaux depuis longtemps m’ont fait me rendre compte que même si je ne me sens pas juif, je le suis de fait. J’ai une appartenance qui me dépasse à un peuple qui m’échappe. Ce peuple tellement différent entre Israël et ici, entre ce qui est montré à la télé et ce que j’en connais, m’interroge. Ma judéité, ma relation avec les juifs éclatent ici. C’est en France que j’ai découvert que j’étais juif. The Jewish Hour est la seconde partie d’une quadrilogie ayant pour toile de fond le conflit israélo- palestinien, après le premier volet TBM – Tunnel Boring Machine (2017). Pour cette pièce, je m’inspire du panorama juif dans la France d’aujourd’hui. L’imagination est une rébellion, et mon texte est un ennemi de la réalité. Pendant une émission radiophonique qui s’appelle The Jewish Hour, on découvre en direct la mort de Bernard-Henri Lévy. L’évènement est l’occasion d’une plongée dans les faits et gestes de la vie juive. Dans ce paysage chaotique, je tricote une nouvelle histoire, l’histoire d’une femme, d’une journaliste. The Jewish Hour est son émission phare. Dans ce programme d’une heure, elle parle de l’actualité politique, économique et sociétale, uniquement sous le spectre du “peuple élu”. L’émission est composée de journaux, d’une revue de presse, de chansons, de publicités, de chroniques thématiques et d’un seul invité. C’est dans la rencontre entre ce dernier et la présentatrice, et grâce à l’hypothèse dramatique délirante de la fictionnalisation de la mort du philosophe BHL, que je vais chercher un moment de comédie aussi enlevée que cruelle sur un peuple, ses obsessions, ses névroses, mais aussi sur la judéité en France. A travers l’écriture de ce tableau et la voix de l’héroïne, je pourrais faire résonner mes critiques, mes questions politiques et sociales actuelles. Pour cette création, je souhaite donner une place importante à la musique et aux sons. En absence d’une scénographie, le paysage sonore créera un décor imaginaire de la pièce. La collaboration avec le créateur sonore, Romain Crivellari, est au coeur de la dramaturgie de The Jewish Hour. La musique et les sons donneront une dimension poétique à mon texte. Depuis septembre 2017, le metteur en scène et l’auteur cohabitent : après la création au plateau de TBM, j’ai collaboré à l’écriture et co-mis en scène aux côtés de Laetitia Dosch la pièce Hate (création le 5 juin 2018 à Vidy, Lausanne), puis j’ai eu besoin de m’éloigner de la synagogue, loin de cette panique, de la peur, de la Rue de la Roquette, loin de Mireille Knoll. Plonger et convoquer la question : que reste-t-il de ma judéité après 5 ans en “galout”- hors de la terre sainte ? Qu’est-ce qu’être juif en France en 2020 ?
Yuval Rozman