Je ne suis pas d’ici, je suis ici

Véronique Kanor

poésie

tout public

1:00

MA 15 ME 16 OCT

espace malraux

studio

JE 17 OCT 20:00

Cruet - salle polyvalente

VE 18 OCT 20:00

Argentine - Salle Bramafan

DI 20 OCT 18:00

Bellecombe-en-Bauges - Salle des fêtes

 

 

 

SAVOIE NOMADE

Le spectacle part en tournée sur le territoire :

 

JE 17 OCT 20:00 Cruet salle Polyvalente

VE 18 OCT 20:00 Argentine salle Bramafan

DI 20 OCT 18:00 Bellecombe-en-Bauges salle des fêtes

Édito

 

Mon seule-en-scène est une performance à travers laquelle je déroule l’histoire d’une femme noire qui a tout fait pour taire sa négrité, pour ne pas se faire remarquer, et qui s’est pliée, perforée, vidée de ses mémoires anciennes.

 

C’est l’histoire de cette femme banale née dans une ville encore plus banale de la France, et qui ne comprend pas pourquoi, aujourd’hui, c’est à elle qu’on demande de présenter ses papiers d’identité. N’est-elle pas Française, comme tout le monde ? Femme, comme tout le monde ? Noire, comme tout le monde ?

 

C’est mon histoire que je raconte.

C’est l’Histoire que je raconte au présent. Comment elle m’a construite, moi fille d’immigrés martiniquais. À travers mon questionnement, apparaissent les frontières de la France, de la Martinique, de l’Afrique, de là-bas, de terres chimériques. Où habiter quand on se sent bancale, mal plantée des les ici que l’on traverse ?

 

Explorant les émotions et les humeurs de ceux et celles qui ne sont implicitement pas de la France-France, ma performance mêle le réel à la poésie, le texte à l’image, les archives au sensible, des extraits de discours politiques à une parole de l’intime.

 

Je suis seule en scène… mais il y a mille regards, mille présences, mille paroles qui surgissent derrière moi, sur l’écran qui m’accompagne. Et j’enroule ma voix d’autrice à celles du gang désarmé des damnés de la terre, des offusqués, des relégués, des assignés à résistance.

 

Véronique Kanor

 

Véronique Kanor 

 

Je suis née à Orléans. Mes parents furent les premiers de leur famille à enjamber la mer et s’installer sur la terre hexagonale, terre de promesses d’eldorado. Quitter la canne, les chemins-chiens, l’assignation à négritude… et devenir des gens évolués, se donner une chance de devenir vraiment français, à travers des enfants qui ne tordraient pas les R en W, qui parleraient français-pointu, épouseraient un Blanc, sauveraient la race en faisant des bébés métis… Et ainsi, par la génétique, faire comme si la mauvaise fortune de l’esclavage n’avait jamais existé. Partir, c’était se rapprocher de ça, du Grand Monde.

 

Alors, ils se sont attelés à la tâche, au dur ouvrage de défaire leurs coutures, arracher leur peau. Ils n’étaient pas les seuls. Les Algériens faisaient de même. Les Réunionnais faisaient de même. Les Portugais faisaient de même. Et même ceux qui sortaient des bleds autour d’Orléans s’attelaient à l’ouvrage d’être comme tout le monde. Uniformément blanc avec un rêve bourgeois dans la tête.

 

C’est à 17 ans, au pied de la statue de Jeanne d’Arc, que soudain j’ai vu que j’étais Noire. Je le savais pourtant, mais je pensais que ça ne se voyait pas, pas tant que ça. Après chaque remarque sur mes origines, mon cerveau effaçait les images. Reset. Et c’était reparti pour une journée à croire que. Mais ce jour-là, au pied de la Jeanne, ça m’a sauté aux yeux. Je suis Noire. Plus aucune nuit n’a pu effacer cette découverte.

 

Ma performance surgit de cette expérience d’être Noire. J’y explore les deux sentiments qui m’ont fondée : la honte, puis la colère. Je noue cette réflexion sur l’identité au territoire. Je suis née, j’ai grandi, connu mes premières fois en France. J’ai vécu en Martinique où j’ai appris que l’habit ne faisait pas le Noir. J’ai cherché en Afrique mes ombres. J’ai tenté la Guyane où mon arrière grand-mère a vécu et est morte. Peut-être que là-bas… J’interroge mes ici hérités, fantasmés, ceux qui me jettent, ceux qui m’obligent, ceux qui m’appellent. Je désosse la notion de «chez nous». À partir de quand ne s’y sent-on plus chez soi ? Est-ce une conviction intime ou une affaire d’état ?

 

Partout, le sol s’est dérobé sous mes pieds. Mais j’ai trouvé autre chose : la poésie. Et depuis, je flotte sur une feuille de papier. J’ai pied dans les entre-deux, dans les entre-sols. Ma performance explore cette terre impalpable, mais vitale. Et peut-être commune à toutes et à tous.

Véronique Kanor texte et jeu

Marlène Myrtil chorégraphie
Lionel Elian composition

-

Production La Noiraude et Compagnie

Avec le soutien du Ministère des Outremers et de la Direction des Affaires Culturelles Martinique

 

Prochainement

malrauxchambery.fr

04 79 85 55 43