En composant une variation hybride du Sacre du printemps sous la forme d’un concert-chorégraphique, David Drouard achève son triptyque engagé par (F)aune et (H)ubris. Le chorégraphe questionne une nouvelle fois une pièce du répertoire, pour en révéler les résonances avec le monde contemporain, avec en tête l’idée d’un Sacre engagé et végétal. Sont conviés sur scène, 12 femmes, la composition originale de Stravinsky, un groupe de rock en live, des paysages de corps végétaux, le mythe Nijinski et la danse ! Dans cet enchevêtrement, ce nouveau Sacre traite de la résistance des femmes dans le monde, en analogie avec le milieu naturel et célèbre les mouvements d’une nature qui reprend ses droits sur les constructions contemporaines. Le génie chorégraphique de la D.A.D.R. Cie en action.
note d'intention
Se confronter à l’oeuvre de Stravinsky n’est pas un petit défi quand on sait le nombre d’auteurs chorégraphes du 20ème siècle à avoir créé leur Sacre.
L’histoire raconte que la pièce a fait scandale à sa création au Théâtre des Champs-Elysées en 1913. La musique comme la chorégraphie de Nijinski en prennent alors pour leurs grades.
S’approprier le Sacre en revient donc à s’inscrire concrètement dans l’histoire de la subversion au théâtre.
Pour ce dernier volet du triptyque que j’ai ouvert par (F)aune, puis (H)ubris, j’ai le désir de prolonger naturellement deux de mes axes de recherche : l’hybridation et l’oeuvre collaborative. Et comme souvent dans ma démarche, je cherche à créer un lien direct entre la musique et le corps, en faisant coïncider pulsation rythmique et mouvement organique, jusqu’à parfois un effet hypnotique.
Partant de l’oeuvre de Nijinski, ce (S)acre pose la question essentielle de la présence des femmes, de leur force, face à une domination multiséculaire des hommes. Prenant le contrepied de la pièce originelle, cette création fait émerger une communauté de douze interprètes pour montrer non pas une Elue – vierge, sacrifiée – mais des « Elues » qui évoquent la résistance des femmes. Ces femmes incarnant ainsi un groupe de « soeurs » qui survivent malgré la puissance qui s’exerce contre elles. Cette résilience qui se noue via cette sororité trouve son écho dans le milieu naturel : là où les femmes sont opprimées par l’homme, la Nature est mise à mal par l’humanité.
La Nature sera donc représentée sur scène par un paysage de type “rudéral”, soit une nature minimale qui revient là où elle n’était plus, en analogie à cette résistance féminine qui traverse les époques. Cette pièce conjugue ainsi l’envie de penser une infinité de croisements entre un rythme ritualisant, sorte d’appel universel de cette nécessité d’être, propre à la composition originale
de Stravinsky et le live d’un groupe féminin rock, en passant par des paysages de corps végétaux, déployés comme des rhizomes.
Entre confusion des corps et résurgences du rythme tribal, Sacre célèbre, convoque et fait danser les mouvements d’une nature qui reprend ses droits sur les constructions contemporaines.
David DROUARD